Adoptée début février par l’Assemblée nationale, la loi dite « anticasseurs » a été votée mardi soir sans modifications par les sénateurs. Mais Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement avait annoncé lundi qu’Emmanuel Macron allait saisir le Conseil constitutionnel sur trois articles. Une manière de jouer son rôle de « garant des libertés publiques », avait indiqué Benjamin Griveaux.
C’est que cette loi a provoqué de nombreuses critiques, venant de la gauche, mais aussi de la majorité. Une cinquantaine de députés de la majorité s'étaient en effet abstenus lors du vote à l'Assemblée. Le député La République en Marche, Sylvain Maillard, le reconnaît, en saisissant le Conseil constitutionnel, le président de la République veut rassurer. « Certains ici dans cet hémicycle ont pu émettre des opinions qui pourraient laisser penser qu’il y aurait un problème constitutionnel. Par cette démarche, le président de la République lève tous les doutes », estime-t-il.
Le centriste Jean-Christophe Lagarde lui ne comprend pas du tout cette démarche. « C’est quand même original : le gouvernement, au lieu de présenter un projet de loi, reprend un texte de l’opposition au Sénat ; pourquoi pas. Il arrive à [l’Assemblée] ; sa majorité adopte ce texte ; il n’est pas content de ce texte. Ce texte retourne au Sénat, il est adopté, et à la sortie, au lieu de dire on va travailler sur ce texte, on l’envoie au Conseil constitutionnel pour voir s’il le censure », souligne-t-il.
A gauche, le communiste Sébastien Jumel ne voit dans cette saisine qu'une manœuvre politique du chef de l'Etat. « Le président de la République, il sent que le Conseil constitutionnel, malgré sa composition, va censurer la loi parce qu’elle se heurte à des principes fondamentaux. Emmanuel Macron tente une pirouette en disant : je suis le garant des libertés, je vais faire corriger la loi (qu’il a souhaitée et qu’il a imposée) », analyse-t-il.
Une pirouette qui permet au président de court-circuiter les partis de gauche qui eux aussi vont saisir le Conseil constitutionnel.