Toutes les précautions sont prises pour que le départ d'Ismaël Emelien ne soit pas sujet à interprétations. Interprétations sur un désaccord avec le président de la République, mais surtout sur les conséquences de l’affaire Benalla. Car depuis des mois, le nom d’Ismaël Emelien revient sans cesse. C'est à lui qu'Alexandre Benalla aurait remis les enregistrements de vidéosurveillance qu'il avait reçus illégalement et sur lesquels il apparaissait lors des manifestations du 1er mai. Ces images avaient ensuite circulé sur des comptes pro-Macron sur le réseau Twitter avant d'être retirées.
A ce stade, Ismaël Emelien n'a pas été entendu par la commission d'enquête du Sénat, ni par la justice, mais cette situation l'a fragilisé. Et son départ de l'Elysée a été évoqué de manière récurrente depuis des mois. Ce départ a été décidé en « totale intelligence » avec Emmanuel Macron, affirme Ismaël Emelien. Et le prétexte de cette démission qui ne dit pas son nom est offert par la publication d'un livre sur le progressisme co-écrit avec un autre conseiller de l'Elysée qui l'oblige à sortir du silence. Une situation incompatible avec son actuelle fonction. Un livre dont la sortie est prévue fin mars-début avril, juste après la fin du grand débat.
Qui est Ismaël Emelien ?
Ismaël Emelien n'est pas n'importe qui. C'est l'un de ceux que l'on appelle les « Mormons », ces conseillers souvent trentenaires d'Emmanuel Macron qui étaient déjà avec lui à l'origine de l'aventure, qui l'ont aidé à créer En Marche, qui ont fait la campagne et l'ont suivi à l'Elysée avec abnégation. Et parmi eux, Ismaël Emelien qui a rejoint Emmanuel Macron en 2014 à Bercy était encore un peu plus particulier que les autres. Il faisait figure de stratège. C'était celui vers lequel Emmanuel Macron se tournait pour avoir des idées qualifiées souvent de « disruptives ».
Toujours dans l'ombre, il avait été formé à l'école strauss-kahnienne et était passé par l'agence de communication Euro RSCG, avant de rejoindre le futur chef de l'Etat. C'est donc encore un tout-proche d'Emmanuel Macron qui quitte l'Elysée après Stéphane Séjourné, un autre conseiller de la première heure parti à En Marche pour piloter la campagne des Européennes. Et après aussi Sylvain Fort, plume et directeur de la communication, qui a démissionné officiellement pour donner la priorité à sa vie de famille.
Un tournant du quinquennat
Emmanuel Macron l'a dit lui-même : il veut passer à l'acte II du quinquennat après une succession de crise ces derniers mois et surtout, bien sûr, le mouvement des « gilets jaunes ». C’est l’occasion d’un changement de gouvernance dont le grand débat offre les prémisses, mais aussi d’une réorganisation des équipes de l’Elysée. Une réorganisation encore inachevée et qui s'est imposée plus qu'elle n'a été désirée par le chef de l'Etat. Les départs successifs de ces conseillers de la première heure en sont une illustration, Emmanuel Macron les a laissés partir à regret, mais leurs démissions vont l'aider à engager une nouvelle étape.