«Gilets jaunes», acte IV: Paris se barricade

Pour le quatrième samedi consécutif, les « gilets jaunes » ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation ce 8 décembre. L’Elysée dit craindre « une très grande violence ».

Commerces barricadés, matériel de chantier et mobilier urbain retirés… Une semaine après une journée de mobilisation des « gilets jaunes » marquée par de nombreuses violences, Paris se prépare à un nouveau samedi sous haute tension. Dans les zones jugées « à risques » de la capitale, la municipalité a procédé à l’enlèvement de tout ce qui pourrait être utilisé comme arme par les casseurs. La préfecture de police a appelé les commerçants de la capitale à protéger leurs biens et ceux des Champs-Elysées à rester fermés.

De nombreux musées et théâtres situés à proximité de la célèbre avenue n’ouvriront pas leurs portes au public. Ce sera également le cas de la tour Eiffel. Des concerts ont été annulés et déjà six rencontres de Ligue 1 reportées. Les 30 heures de direct du Téléthon qui devaient être assurées sur la place de la Concorde seront finalement retransmises depuis les studios de France Télévisions. La Marche pour le climat, initialement prévue du Trocadéro au Champs-de-Mars, a, quant à elle, été déplacée de République à Nation.

Des « gilets jaunes » partagés

Cette fois, les Champs-Elysées ne devraient pas être le seul lieu de rassemblement des « gilets jaunes ». Sur les nombreuses pages Facebook consacrées à cet « acte IV » du mouvement de contestation, des appels ont été lancés pour manifester place de la Bastille pour « un pot de départ de Macron », devant le ministère de l’Economie et des Finances à Bercy, place Denfert-Rochereau dans le sud de Paris ou encore devant la gare Saint-Lazare. Mais la préfecture de police craint également des débordements autour du palais présidentiel, de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que dans le quartier de l’Opéra.

De fait, les « gilets jaunes » semblent partagés quant à la conduite à tenir. Après s’être dit prêt à entrer à l’Elysée – ce qui lui vaut d'être visé par une enquête pour « provocation à la commission d'un crime ou d'un délit » –, Eric Drouet, l’une des figures médiatiques du mouvement, a finalement appelé à manifester sur le périphérique parisien pour se dissocier des casseurs. Les « gilets jaunes libres », un collectif présenté comme modéré, appellent quant à eux à ne pas se rendre à Paris, craignant un « traquenard » du pouvoir qui mène, selon eux, « une stratégie du chaos ».

«  La France des oubliés, c’est la France des territoires. Et c’est bien dans les territoires que de façon pacifiste, les Français manifesteront leur mécontentement », a lancé lors d’un point presse Benjamin Cauchy, l’un des fondateurs des « gilets jaunes libres ». Comme les semaines précédentes, des actions sont ainsi attendues un peu partout en province, notamment avec des opérations escargot et « péages gratuits ». A Lille, une page Facebook veut le blocage total de la ville jusqu’à dimanche compris.

89 000 membres de forces de l’ordre déployés

Face à ces rassemblements, le ministère de l’Intérieur a prévu de mobiliser la quasi-totalité des unités de CRS et d'escadrons de gendarmerie mobile. Quatre-vingt-neuf mille membres des forces de l’ordre seront déployés à travers le pays, dont 8 000 à Paris. Dans la capitale, des blindés seront utilisés pour protéger les sites sensibles et forcer d'éventuelles barricades. Mais contrairement à la demande de syndicats de police au lendemain de « l’acte III », les autorités ont choisi de ne pas avoir recours à l’armée qui n'est pas formée au maintien de l'ordre.

► (Re) lire : L'Intérieur prépare sous haute tension «l'acte IV» des «gilets jaunes»

Tandis que le nombre des manifestants ne cesse de diminuer – ils étaient 136 000 la semaine dernière, contre 166 000 le 24 novembre et 282 000 le 17 novembre –, chaque samedi de mobilisation a été marqué par des violences allant croissant depuis le début du mouvement il y a un mois. La semaine dernière à Paris, elles ont fait 133 blessés, dont 23 parmi les forces de l'ordre, et donné lieu à 412 interpellations, selon un bilan de la préfecture de police communiqué dimanche. Sans compter d'innombrables dégradations contre du matériel urbain, des commerces et bâtiments publics. Des violences ont également été répertoriées en province, notamment à Strasbourg, Toulouse, Tours, Charleville-Mézières, ou encore au Puy-en-Velay où la préfecture a été incendiée.

Appels à la destitution de l’Assemblée

Pour essayer de calmer la colère, le gouvernement a finalement décidé de lâcher du lest. Après avoir annoncé un gel provisoire de la hausse des carburants, l'Elysée a finalement annoncé mercredi 5 décembre leur annulation pour 2019. Mais pour les « gilets jaunes », cela ne suffit pas. Car si la hausse des prix du carburant a été le déclencheur du mouvement, ses revendications vont désormais bien au-delà. C'est toute la politique sociale et fiscale du gouvernement qui est dénoncée. Le mouvement semble même se durcir, avec une multiplication sur les réseaux sociaux des appels à la démission du gouvernement et à la destitution de l'Assemblée nationale.

Malgré ce durcissement de leurs positions, les « gilets jaunes » semblent toujours bénéficier du soutien d'une large majorité des Français. Selon un sondage publié mercredi, 72 % d'entre eux approuvent la mobilisation et près de 8 Français sur 10 estiment que les annonces du gouvernement ne sont pas à la hauteur des attentes exprimées. Principale cible du mouvement, le président Emmanuel Macron continue quant à lui de se taire. Sa dernière prise de parole remonte au 1er décembre lorsque, depuis le sommet du G20 à Buenos Aires, il avait fermement condamné les violences de la journée. Il devrait s’exprimer en début de semaine prochaine.


Quelle sera l'ampleur de la mobilisation en province?

Devant le flou qui règne autour des appels à manifester ou à bloquer des axes routiers, certaines grandes villes et départements ont préféré prendre les devants. Par exemple, à Bordeaux où les services municipaux seront fermés ce samedi ainsi que la plupart des équipements culturels. De nombreuses manifestations prévues dans la ville ont été annulées. Même scénario à Toulouse où le match de football entre le TFC et l'Olympique Lyonnais a été reporté.

Plusieurs préfectures ont pris des mesures de police administrative pour limiter l’achat et le transport de carburant, de feux artifices et de tous produits inflammables ou chimiques. C'est le cas notamment des préfectures de Gironde, de Haute-Loire mais aussi de plusieurs préfectures des Hauts-de-France.

Les mesures les plus restrictives ont été prises dans le Pas-de-Calais. Dans son arrêté, le préfet interdit les rassemblements sur la voie publique dans plusieurs communes du département. La consommation, la vente et le transport de boissons alcoolisées est également prohibée.

Enfin, dans les communes rurales, les élus vont tenter de maintenir le dialogue avec les « gilets jaunes » en organisant une journée mairie ouverte ce samedi.

Partager :