Champs contre Champs: les gilets jaunes prêts à manifester à Paris

A quelques heures de l'acte 2 de la mobilisation des gilets jaunes, à Paris cette fois, les désaccords se tendent entre le gouvernement et les gilets jaunes quant à l'organisation de la manifestation à Paris. Ces derniers refusent de manifester sur le Champs-de-Mars, comme l'exige pourtant la préfecture. Sur les réseaux sociaux, nombre d'entre eux promettent de rejoindre coûte que coûte les Champs-Elysées.L'ampleur, peut-être gonflée par une opposition politique globalement solidaire, est toutefois difficilement pronosticable. Mais déjà les forces de l'ordre se préparent.

Quoiqu'il en soit, en l'absence de leader national, l'organisation de cette journée apparaît un peu chaotique. Aucune heure officielle n'est donnée pour le départ de la manifestation, mais surtout le lieu du rendez-vous ne semble pas clair pour tout le monde. La proposition du Champ-de-Mars ne leur convient pas. Une majorité de gilets jaunes veut défiler sur les Champs-Elysées ! Peu importe, disent-ils, s'il faut braver l'important dispositif policier.

Sur les groupes Facebook des gilets jaunes, toutes sortes d'astuces s'échangent pour arriver incognito sur la grande avenue. Comme par exemple celle de se déguiser en touriste et sortir son gilet jaune au dernier moment.

D'autres voient dans le rassemblement sur le Champs-de-Mars un piège tendu par le gouvernement et préviennent que les CRS en profiteront pour procéder à des centaines d'arrestations. Les porte-parole des gilets jaunes appellent eux aussi à manifester sur les Champs-Elysées. « Nous ne voulons pas nous retrouver comme des petits moutons qui vont brouter de l'herbe, ce n'est pas notre objectif », ironise Laetitia Dewalle, l'une des représentantes du mouvement.

D'autres estiment qu'en tant que citoyen, personne ne peut leur empêcher l'accès aux Champs-Elysées, oubliant toutefois les règles de droit relatives au maintien de l'ordre public.

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Réponse sécuritaire

Près de 3000 forces de l'ordre seront déployées dans Paris ! Cela représente environ 40 compagnies mobiles. A titre de comparaison les commémorations du 11-Novembre dernier, jugées très sensibles, avaient mobilisé 37 unités. C'est donc moins que pour la mobilisation des gilets jaunes.

Face aux menaces de débordement, les autorités ont décidé de bloquer l'accès aux bas des Champs-Elysées ainsi qu'à la place de la Concorde, qui seront entièrement fermés samedi.

Le périmètre est très sensible : s'y trouve le palais de l'Elysée et de nombreuses ambassades. Alors ce matin, le préfet de police de Paris Michel Delpuech est revenu chez nos confrères de BFMTV sur le dispositif de sécurisation exceptionnel autour de cette zone.

L'autre crainte des forces de l'ordre, c'est que des casseurs profitent d'une manifestation sur les Champs-Elysées pour s'en prendre aux magasins de luxe, très achalandés, à un mois de Noël. Selon une note des services de renseignements, ils pourraient être 200 à 250 membres de l'ultra-gauche et de l'ultra-droite. Des affrontements entre ces deux camps pourraient également avoir lieu.

La préfecture met donc en garde : « ceux qui refusent un rassemblement sur le Champs-de-Mars porteront la responsabilité d'éventuels débordements. » La réponse judiciaire promet d'être exemplaire.

L'opposition au diapason dans son soutien au mouvement

En attendant, l'opposition, de l'extrême droite à l'extrême gauche, est pour une fois unie derrière les gilets jaunes.

La chef de file du Rassemblement national, Marine le Pen, s'est indignée sur Twitter que l'on puisse refuser aux Français l'accès aux Champs-Elysées. Attisant par la même occasion les divisions quant au lieu de rassemblement. S'il n'est pas prévu qu'elle manifeste ce samedi aux cotés des gilets jaunes « car ce n'est pas la place pour un chef de parti », ils sont plusieurs poids lourds au sein du Rassemblement national à avoir annoncé qu'eux seront mobilisés. Louis Aliot, à Perpignan, Sébastien Chenu, dans le Nord, ou encore Gilbert Collard, à Paris. Le soutien du RN s'affiche aussi sur les réseaux sociaux. Le parti utilise désormais le symbole du gilet jaune sur ses visuels.

Soutien affiché également du parti Les Républicains, qui dénonce depuis plusieurs mois les hausses des prix du carburant sans parvenir à en profiter politiquement. Laurent Wauquiez pourrait, comme il l'avait fait le week-end dernier, de nouveau s'afficher à leur côté.

Adversaires politiques et parfois même de bords opposés, les gilets jaunes rassemblent large, jusqu'à la France insoumise et au Parti communiste. Le nouveau chef du PC ne pourra pas être dans les cortèges, congrès oblige, mais un gilet jaune sera « bien visible sur son pare-brise ».

Mobilisation en région

De nombreux gilets jaunes resteront aussi dans leurs régions. Pas question pour ceux-là de dépenser encore de l'argent pour payer l'essence jusqu'à Paris font valoir certains. De plus, la crainte de voir le rassemblement noyauté par des casseurs réfrène les ardeurs des plus téméraires.

Mais même s'ils restent discrets sur leurs actions, les gilets jaunes restés en région promettent de participer au mouvement, en défilant à pied par exemple.

Macron et les gilets jaunes vus d'Allemagne

Avec notre correspondante à Berlin,  Nathalie Versieux

Un Macron affaibli et menacé, c'est un portrait peu amène que dresse la presse allemande ces jours-ci du président français.

« La pire épreuve de son mandat », estime le quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung au sujet de la révolte des gilets jaunes. « Marie-Antoinette avait conseillé au peuple en colère de manger des gâteaux [de la brioche, ndlr] s'il n'avait plus de pain. Et  Macron conseille aux automobilistes de s'acheter des voitures électriques », raille le quotidien.

« Ni syndicats, ni bloc noir, ni partis politiques, ni lobby professionnel derrière la révolte », souligne de son côté le magazine Der Spiegel, qui parle d'une forme encore inconnue de protestation démocratique. Bref, « une révolte imprévisible et impossible à canaliser », selon le magazine.

« A la révolte des gilets jaunes en interne s'ajoute la retraite prévisible d'Angela Merkel », renchérit enfin le quotidien des affaires Handelsblatt, pour qui « Macron n'a d'autres alliés en Europe que la chancelière, puisqu'il est en froid avec l'Italie, a toujours ignoré l'Europe de l'Est et irrite l'Europe du Nord avec ses appels à la solidarité ».

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