Bientôt privé de pavillon, l'Aquarius parviendra-t-il au moins à un port ? La question se pose de manière « critique », selon les termes de l'ONG lundi après-midi, quelques heures après que le Panama, sous lequel le bateau humanitaire battait pavillon, a annoncé qu'il allait retirer son drapeau au bateau une fois que celui-ci aura accosté.
→ RELIRE: Humanitaire : l'Aquarius court le risque de devenir un navire pirate
L'association a tenu ce lundi 24 septembre une conférence de presse à Paris. Au cours de celle-ci, le directeur des opérations de l'association SOS Méditerranée, Frédéric Penard, a fait savoir que le bateau rouge faisait route vers Marseille et que les ONG ayant affrété ce navire humanitaire ont demandé aux autorités françaises d'autoriser « à titre exceptionnel » le débarquement des 58 migrants présents actuellement à son bord.
« Les autorités françaises ont été informées » de cette demande, a-t-il assuré, soulignant qu'« il est urgent de mettre les personnes à l'abri », avec 17 femmes et 18 mineurs à bord du navire. « La seule destination possible aujourd'hui est Marseille », dans le sud-est de la France, qui est le port d'attache du navire, a-t-il martelé, alors que l'Aquarius vient d'apprendre que les autorités panaméennes allaient lui retirer son pavillon.
Situation « critique »
« C'est du jamais vu et, en soi, un scandale », a affirmé Francis Vallat, président de l'ONG, en demandant au Panama « de revenir sur sa décision » et sinon aux Etats européens de fournir un pavillon à l'Aquarius. Malgré les menaces panaméennes, « nous sommes déterminés à ce que l'Aquarius reparte, il y a un besoin impératif de sauver des vies en Méditerranée », a ajouté Frédéric Penard. La situation est « extrêmement critique » puisque « nous risquons de perdre le pavillon du Panama au moment où nous toucherons terre », a-t-il averti.
« Je lance un appel aux pays européens pour que l'Aquarius puisse battre pavillon européen », a déclaré Francis Vallat. « Le drame actuel est un problème européen, (...), les partenaires européens de l'Italie sont coupables par leur silence », a ajouté Thomas Bischoff, président de SOS Méditerranée Suisse.
La réponse des services du Premier ministre français est survenue en début de soirée : la France cherche « une solution européenne » selon le principe du « port sûr le plus proche », ont-ils fait savoir à l'AFP. Matignon met en avant le droit maritime. Selon la loi, « les naufragés doivent être débarqués dans le port le plus sûr et le plus proche ». Dans ce cas c’est Malte ou l’Italie, mais ces deux pays sont catégoriques : hors de question d’accueillir l’Aquarius.
Très rapidement, le chef de l’opposition socialiste à la mairie de Marseille, Benoît Payan, qui a été rejoint par les députés La République en marche et France Insoumise, s’est dit favorable à l’accueil inconditionnel du navire et de lui proposer de battre symboliquement pavillon marseillais.
A l’inverse, et sans surprise, le sénateur du Front national Stéphane Ravier s’est dit vent debout contre l’arrivée de l’Aquarius. Il répète sa demande d’une mise sous séquestre du navire et surtout d’une enquête contre SOS Méditerranée pour complicité de trafic d’êtres humains.
Tensions
Les oppositions sont vives pour SOS Méditerranée, dont les bureaux à Marseille sont installés discrètement. Il est par exemple demandé aux journalistes qui connaissent son emplacement de ne pas le dévoiler.
Les précédents accostages de l’Aquarius dans le port autonome avaient déjà fait grand bruit. Ce n’était pourtant que des escales techniques pour le bateau et ses équipages. Cette fois-ci, alors que le navire doit accoster avec à son bord des dizaines de migrants secourus, la tension pourrait monter d’un cran. Comme en témoigne déjà ce silence de la majorité Les Républicains à la mairie de Jean-Claude Gaudin.
L'Aquarius est actuellement le seul bateau humanitaire à sillonner la mer Méditerranée pour secourir les embarcations de migrants au départ de la Libye. Il se trouvait ce lundi à quatre jours de navigation de Marseille.
L'ONG a reçu le soutien du député (LFI) de Marseille Jean-Luc Mélenchon.
→ RELIRE : «Aquarius»: «il y a une crise politique européenne, un manque de solidarité»