Avec notre envoyée spéciale à Saint-Martin, Aabla Jounaïdi
Saint-Martin, un an après le passage d'Irma. Dans la nuit du 5 au 6 septembre 2017, l'île française était dévastée. A l'instar de Sandy Ground, un des quartiers les plus populaires et les plus densément peuplés. Sur place, face à la mer, les vagues ont déférlé sur les maisons. Beaucoup de commerces restent fermés.
Beaucoup de bâtiment ont été détruits, d'autres ont miraculeusement tenu. Comme la maison de Rob, un New-Yorkais de 63 ans installé depuis 20 ans. Il ne s'était pas rendu sur place depuis 18 mois, mais il est de retour à Marigot, lieu de villégiature des Américains, qui y apprécient d'ordinaire la « french touch ».
« C’est triste pour moi de voir l’île comme ça, mais ma maison est dans un parfait état parce qu’elle est sur une colline. J’ai donc beaucoup moins de dégâts que la plupart des gens. J’aurais aimé revoir certains restaurants de standing comme Le Sand ou le Seraffina, car c’est ce qui fait le charme de cette île », confie-t-il.
« Le gouvernement français devrait y penser en priorité, car ce qui permet de préserver la culture ici, c’est la nourriture, le vin et la conversation, plaide Rob. Ça me manque. J'étais choqué de voir en arrivant l’état de l’île, mais j’ai été impressionné de voir les gens se relever et les constructions repartir. »
Reconstruire pour accueillir, accueillir pour reconstruire
Le ministère français des Outre-mer vient de donner son estimation : selon ses chiffres, l'île de Saint-Martin a reconstruit tout juste un tiers de son bâti en un an. La tâche s'avère difficile. Mais les touristes reviennent peu à peu, comme l'explique Jean-Michel, serveur dans un restaurant sur la promenade du quartier de Marigot.
« J'ai encore deux ou trois petites choses à régler, mais c’est mieux, assure-t-il. Il faut se battre au quotidien, on est encore dans un certain flou artistique. Des gens ont leur habitation qui attend d’être restaurée. Nous, on est dans un commerce ; pour accueillir des voyageurs, des touristes, il faut qu’ils soient sur l’île. »
L'un allant de pair avec l'autre, « il va manquer deux choses dans les mois à venir », explique Jean-Michel. A savoir davantage d’infrastructures et de vols. « Sans vols, comment voulez-vous que les touristes arrivent ? Et si les hôtels, les appartements, les résidences ne sont pas prêts, on va avoir du mal. »
Les assurances ont tardé à déployer leurs experts et fonds
Quelque 34% de bâti reconstruit pour Saint-Martin, un chiffre qui doit être mis en balance avec l'opulante île voisine de Saint-Barthélémy, reconstruite à 60%. A Saint-Martin, même les grands hôtels prévoient une reprise de la saison en demie teinte cet hiver, avec la moitié des capacités. L'île française cumule les difficultés.
D'abord, Saint-Martin partage son territoire avec une partie néerlandaise (Sint Maarten), qui a elle-même besoin de reconstruire. Et c'est côté néerlandais qu'on trouve précisément l'unique port en eau profonde de l'île des Antilles. Actuellement, ce dernier fonctionne à 40% de ses capacités.
Ensuite, l'Etat a débloqué 330 millions d'euros pour reconstruire les bâtiments publics - dont la préfecture et ceux de la collectivité - et pour aider les entreprises. Mais des assurances ont tardé à déployer leurs experts ou à débloquer les fonds, et il a fallu trouver des entreprises fiables pour les travaux.
C'est ce qui est arrivé aux écoles publiques. La collectivité a dû se résoudre à ouvrir des classes dans des préfabriqués pour compenser la destruction de trois établissements. L’exécutif local évoque aussi la fin du régime dérogatoire post-Irma et le retour de la lenteur des procédures d'appels d'offre publics.
Météo : plus que jamais continuer de prôner la vigilance
Beaucoup de Saint-Martinois ne sont pas assurés et ont reconstruit eux-mêmes leurs maisons, en faisant fi des normes anti-cycloniques ou anti-sismiques. Dans les quartiers les plus pauvres de l'île, comme Sandy Ground et Quartier-d'Orléans, il n'est pas rare de voir des maisons sans toit faute d'argent pour reconstruire.
Le week-end dernier, une onde tropicale partie d'Afrique s'est mis en route à travers l'Atlantique en direction des Antilles. Soit le même scénario qu'il y a un an avec Irma. Finalement, la tempête Florence passera au-dessus de l'arc antillais. Mais les Saint-Martinois, désormais rivé sur la météo, ont eu quelques frayeurs.
Depuis plus de 20 ans, l'association SXM Cyclone surveille l'évolution de ces phénomènes. Son message, diffusé sur l'antenne locale Radio Transat, c'est qu'après Irma, il faut plus que jamais prôner la vigilance. L'équipe a renforcé son dispositif avec deux nouvelles stations météo à Saint Martin et en Martinique.
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