Comme celle de l'Assemblée nationale la veille, la commission des Lois du Sénat a entendu ce mardi Gérard Collomb au sujet de l'affaire Benalla. Les sénateurs ont notamment cherché à savoir pourquoi le ministre de l'Intérieur n'avait pas saisi la justice après avoir eu connaissance des violences commises par Alexandre Benalla lors des manifestations du 1er-Mai où il accompagnait les policiers en tant qu'observateur.
L'article 40 du Code de procédure pénal exige que tout fonctionnaire ayant connaissance d'un délit en informe le procureur de la République. Mais pour Gérard Collomb, et comme il l'avait déjà dit aux députés, il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur de transmettre au procureur des signalements à chaque fois qu'il a connaissance de la commission d'une infraction. « J'ai connaissance quotidiennement par des notes des services de renseignement de suspicions d'infraction pénale ou de commissions d'infraction pénale (...) Ce n'est pas mon rôle de saisir chaque procureur individuellement pour lui signaler la commission d'infraction », affirme Gérard Collomb.
Y a-t-il une volonté d'étouffer l'affaire Alexandre Benalla, ont également demandé les sénateurs. Selon le ministre de l'Intérieur, il était de la responsabilité des services compétents de faire la lumière sur les actes commis par l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron et de prendre les mesures nécessaires : « J'ai toujours dit que le ministère de l'Intérieur faisait son travail, qu'il y avait un certain nombre de gens pour faire leur travail – services de renseignement, services de sécurité, préfecture de police –, que c'est à eux de faire remonter des dysfonctionnements et effectivement de les résoudre s'il le constate. »
En tout cas, Gérard Collomb l'affirme : il ne revenait pas à Alexandre Benalla d'intervenir le 1er mai. « Je suis un ministre républicain, je ne compte que sur les forces légales pour résoudre les problèmes de ce pays. Et même lorsqu'il y a des manifestations d'une violence inouïe, je pense que c'est la police républicaine qui doit effectivement assurer le maintien de l'ordre », a-t-il estimé.
Malgré deux heures d'audition, les réponses fournies par le ministre de l'Intérieur ont semble-t-il laissé les sénateurs sur leur faim. « Il y a un certain nombre de points qui, pour les rapporteurs et moi-même, restent obscurs », lui a lancé le président de la commission des Lois, Philippe Gas, qui l'a prévenu que d'autres questions lui seraient posées par écrit.
Collomb recevra les syndicats policiers qui dénoncent la «confusion des rôles»
Gérard Collomb a par ailleurs annoncé qu'il recevrait la semaine prochaine les syndicats policiers également auditionnés ce mardi par la commission des Lois du Sénat et qui ont dénoncé « la confusion des rôles, l'ambiguïté des fonctions » d'Alexandre Benalla, et décrit les « relations exécrables » qu'il pouvait entretenir avec les forces de l'ordre.
« Il venait très souvent sur les services d'ordre, pour des debriefings. Les cadres de la préfecture de police le connaissaient comme une autorité », a déclaré David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN). « Tout commissaire que vous êtes: c'est le conseiller du président de la République... », a-t-il ajouté.
Au retour des Bleus, après leur victoire en finale de la Coupe du Monde, à Roissy lundi, M. Benalla aurait eu un comportement « autoritaire et déplacé » avec les gendarmes mais aussi les fonctionnaires de la police aux frontières, a aussi indiqué David Le Bars.
« Il se comportait comme un cador. Il a été vu sur plusieurs opérations, plusieurs debriefings et plusieurs voyages présidentiels », a souligné le secrétaire général du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), Jean-Marc Bailleul.
Selon le secrétaire général d'Unité-SGP, Yves Lefebvre, « M. Benalla faisait régner la terreur au sein du GSPR (groupe de sécurité de la présidence de la République). Il allait jusqu'à l'insulte à l'égard des gradés et gardiens de la paix ».
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