Les sages du Conseil constitutionnel avaient été saisis le 11 mai par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Celle-ci avait été posée par les avocats de Cédric Herrou, condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir amené des migrants de la frontière italienne jusqu'à chez lui. Ce vendredi 6 juillet, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision et dit qu'une aide désintéressée au séjour irrégulier des étrangers ne saurait être passible de poursuites, au nom de la fraternité.
En consacrant le principe de fraternité, le Conseil constitutionnel a donc donné raison à cet agriculteur devenu le symbole de l'aide aux migrants à la frontière franco-italienne, et censuré le principe de « délit de solidarité » qui découlait du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Patrice Spinosi, avocat de Cédric Herrou, a salué cette « immense victoire ». Son affaire va donc repasser devant la cour d'appel où selon toute vraisemblance les poursuites seront abandonnées.
« Le principe de fraternité est reconnu. La main tendue à l'étranger, si elle est désintéressée, ne doit pas être punissable », a-t-il confirmé. « La décision ne concerne que le séjour et la circulation des étrangers, on peut regretter que cela n'ait pas été étendu à l'entrée », a-t-il ajouté.
Le principe de fraternité a été reconnu pour la première fois dans sa valeur constitutionnelle, et « devra être respecté par le législateur » comme une des pierres angulaires du droit en France, a déclaré Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel. « A l'instar de la liberté et de l'égalité, qui sont les deux autres termes de la devise de notre République, la fraternité devra être respectée comme principe constitutionnel par le législateur et elle pourra être invoquée devant les juridictions », a-t-il dit.
Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, s'est félicité de cette décision et a estimé qu'elle confortait la position du gouvernement lors du débat sur le projet de loi asile, immigration et intégration. Un communiqué du ministère a tenu à souligner qu'en première lecture, l'Assemblée nationale avait assoupli à une très large majorité le « délit de solidarité » pour certaines personnes venant en aide aux migrants sans que celle-ci ne s'étende « à l'aide apportée dans un but militant ou aux fins de faire obstacle à l'application de la loi ou à l'action de l'Etat ». Le Sénat avait supprimé cet amendement. Gérard Collomb souhaite donc qu'il soit rétabli en seconde lecture.
Le droit français va devoir prendre en compte cette décision. Les députés et sénateurs qui planchent sur la future loi asile et immigration devront en effet prendre en compte ce nouveau principe de fraternité, et rendre leur copie avant le 1er décembre.