Syrie: quels pourraient être les contours d'une opération française?

Le Conseil de sécurité était réuni en urgence à New York lundi 9 avril suite à l’attaque chimique à Douma dans la banlieue de Damas samedi soir. Lors de la réunion, la France s’est montrée particulièrement offensive, accusant nommément la Russie et l’Iran d’avoir permis au régime syrien de mener de nouvelles attaques chimiques, et a laissé entendre, avec les Etats-Unis, la possibilité de frappes punitives contre le régime de Damas. Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), analyse, en trois questions, la forme que pourrait avoir cette possible intervention française en Syrie.

RFI : Quels pourraient être les contours d’une opération militaire française en Syrie ?

Michel Goya : Cette opération prendrait probablement la même forme que l’attaque américaine menée l’an dernier, pratiquement le même jour, après l’attaque sur Khan Cheikhoun. Il s’agirait d’une frappe punitive. L’idée n’est pas de se lancer dans la guerre, de renverser le régime. Il s’agit de montrer que le comportement des forces du régime syrien ne nous plaît pas. C’est d’ailleurs ce que font les Israéliens, régulièrement : ils ont mené plus d’une centaine de raids. Ca n’est pas une action qui va changer le cours des événements, c’est juste une action de démonstration dont le but est d’essayer de faire en sorte d’éviter que le régime n’utilise à nouveau des armes chimiques. Il s’agit de faire quelque chose de relativement spectaculaire, de significatif, de démonstratif. On peut supposer que la frappe visera très probablement un site militaire, ou une base syrienne.

Techniquement, cette attaque est rendue compliquée par la présence du dispositif russe de défense anti-aérien qui est très efficace…

En réalité, deux systèmes sont en place dans le ciel syrien : celui de l’armée syrienne, qui dispose de matériel soviétique et qui est opéré aussi avec l’aide des Iraniens. Parallèlement, il y a le système très moderne mis en place par les Russes. Le système S 400, le plus sophistiqué déployé par les forces russes, est doté de radars qui observent à 400 km et sont capables de déceler toute intrusion par voie aérienne et éventuellement d’y faire face. C’est donc extrêmement délicat de pénétrer dans l’espace aérée avec des avions, c’est dangereux. On peut, bien sûr, tenter de le faire en essayant de brouiller tous ces dispositifs en se rendant le plus invisible possible, mais c’est difficile et c’est la raison pour laquelle on privilégie des frappes à distance avec des missiles plus délicats à intercepter.

De quels moyens la France dispose-t-elle ?

Pour éviter les systèmes anti-aériens, on va très probablement agir à distance sans pénétrer avec des avions dans l’espace aérien syrien, mais en frappant à distance avec ces missiles de croisière, depuis des navires ou par voie aérienne. La France dispose de missiles de croisière qui peuvent être tirés par des frégates en Méditerranée, d’une portée de 1 000 km et d’une précision quasi totale. Plusieurs de ces frégates multi-missions disposent chacune de 16 missiles de croisière. Ces navires peuvent se retrouver à portée de tir rapidement, en appareillant de Toulon, par exemple.

L’armée française peut aussi tirer ce même type de missiles par avion depuis la métropole ou des bases que la France possède au Proche-Orient, notamment en Jordanie, à proximité du terrain syrien. En cas d’utilisation de l’une de ces bases, cela doit se faire en coordination avec ces pays, et on peut toujours imaginer des rétorsions de leur part. Le plus pratique serait de tirer depuis la mer comme l’ont fait les Américains l’an dernier, ou alors de s’approcher au plus près avec des moyens aériens, par exemple dans l’espace libanais, pour frapper en dehors du territoire syrien.

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