A Tolbiac, les tables et les chaises empilées dans l’entrée du bâtiment rappellent que la faculté est maintenant bloquée depuis près de 15 jours.
Lors de la dernière assemblée générale, en début de semaine, les 1 800 étudiants présents ont voté la reconduction du blocage jusqu’au retrait de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) par le gouvernement.
Elsa a 21 ans, elle étudie la philosophie et veut croire à la propagation du mouvement. « Je pense que vous avez vu qu’il y a autour d’une quinzaine de facs qui sont bloquées et occupées, commence-t-elle. Le mouvement est structuré autour de plusieurs choses, mais déjà évidemment le retrait de la loi ORE qui instaure la sélection à l’entrée de l’université et qui est une attaque historique en fait contre les acquis pour lesquels on s’est battu jusqu’à maintenant, en 68, en 86, c’est-à-dire pour une université gratuite et ouvertes à tous et à toutes. »
Parcoursup, la nouvelle plateforme d’orientation post-bac, cristallise les critiques. Pour Elise, 26 ans, celle-ci a indéniablement un effet pervers : « Cela crée de l’autocensure chez les étudiants, notamment selon la classe sociale, selon l’origine, ceux qui viennent de lycées de banlieue. On ne va pas directement leur interdire, mais on a déjà vu que Parcoursup leur disait : "non, là tu n’as pas le bon bac, tu ne vas pas réussir." »
Mais à Tolbiac, comme dans d'autres universités, la politique n'est jamais très loin et certains étudiants y mènent de véritables batailles partisanes.
« Je ne vois pas en quoi c’est de la récupération politique »
Ils sont une trentaine dans l'amphithéâtre ce matin-là. Dans l'université parisienne, les cours ont été remplacés depuis plus de 10 jours par des conférences, ateliers et assemblées générales animés par des étudiants, pour la plupart politisés.
Parmi eux, Leïla, jeune militante de la France insoumise (LFI) qui jure qu'elle n'est pas instrumentalisée par le parti de Jean-Luc Mélenchon : « Je ne vois pas en quoi c’est de la récupération politique à partir du moment où la France insoumise est contre cette réforme. Donc on essaie de tracter dans d’autres lycées pour faire justement sensibiliser à la cause. On a juste demandé à la France insoumise si on pouvait avoir un stock de tracts. C’était oui, directement. Ils nous les ont imprimés. On les a pris et on les a tractés. »
Plutôt discrets et un peu à l'écart des AG surchauffées, les étudiants macronistes, beaucoup moins nombreux, préfèrent eux militer aux abords de Tolbiac. A défaut de pouvoir contrer le mouvement des contestataires, ils tentent de riposter sur le terrain médiatique en dramatisant le blocage de la fac.
« Par exemple, vous avez des appels au meurtre du président de l’université maintenant sur les murs, la semaine dernière vous avez eu des tags antisémites dans un local d’une association juive, il y a des étudiants qui se sont fait harceler, frapper, assure Ludovic. Maintenant on a des menaces de mort. Cela va trop loin. Vous avez vu tout à l’heure dans Tolbiac, vous aviez un feu. Il y en a qui ont fait des feux. » Mais difficile pour les jeunes macaronistes de convaincre alors que le mouvement se développe autour des Insoumis, du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et des « Antifas ».
Cette semaine à Tolbiac, une partie des personnels administratifs et professeurs a pris position par rapport aux examens. Ils conditionnent désormais la tenue des partiels au retrait de la loi.