Des abricotiers et des pêchers en fleurs jalonnent la route en direction du quartier général de Valrhona au village de Tain L’Hermitage, dans le département de la Drôme. A flanc de colline, les vignes font leur travail en patience et en douceur. Non loin, le chef multi étoilé Paul Bocuse régnait en maître. La gastronomie française, le goût de la France #GoodFrance, se nourrissent et s’abreuvent dans cette région de la vallée du Rhône, source d’inspiration ponctuée de fondamentaux naturels. C’est dans cette même vallée qu’en 1922 le chef pâtissier ardéchois Albéric Guironnet s’est décidé à confectionner son chocolat pour ses besoins de pâtissiers. Il y a un siècle c’était forcément une aventure et il s’est improvisé champion du bean to bar (de la fève à la tablette) avant que ce savoir-faire ne soit parfois survendu ces dernières années. Le travail de la maison, rebaptisée Valrhona en 1947, a pris le temps de mûrir pour friser maintenant l’excellence. Ce village fait désormais saliver à l’international avec une usine de transformation de la fève de chocolat à renommée mondiale, mais aussi une école de pâtisserie et une cité du chocolat. Le chocolat est devenu une affaire sérieuse, une histoire de créativité aussi, d’exploration du goût.
La marque de fabrique de Valrhona, le chocolat de couverture
A l’instar des souvenirs de tartine grillée beurrée avec un morceau de chocolat fondu dessus, le chocolat pourrait s’apparenter à un jeu d’enfant à s’en lécher les doigts, mais tout cuisinier qui se frotte au beurre de cacao sait que c’est une véritable affaire de chimie. On parle de chocolat à croquer, pour la consommation courante, mais dès qu’on souhaite le travailler, et c’est la marque de fabrique de Valrhona, on parle de chocolat de couverture. Valrhona fournit ainsi depuis des décennies des plaques de plusieurs kilos de chocolats de couverture pour les pâtissiers du monde entier qui une fois fondues et tempérées libèrent des goûts insoupçonnés et leur permettent de réaliser des trésors chocolatés. Pierre Hermé en est fan, Robert Linxe surnommé sorcier de la ganache de La maison du chocolat avait créé le chocolat de couverture « Maîtres chocolatier » de Valrhona dès 1975.
Ils sont de toutes les façons très peu nombreux dans le club des pâtissiers chocolatiers à réaliser leur chocolat, la grande majorité fait fondre en toute discrétion en cuisine, les différents chocolats de couverture proposés par Valrhona avant d’exercer leurs talents en vitrine. Uniquement faire fondre ? Pas tout à fait n’importe comment néanmoins car un chocolat c’est à une température spécifique que ça se prépare. Pour que ses cristaux soient souples, ses arômes au maximum et sa brillance parfaite. On parle de tempérage, une opération durant laquelle il faut faire fondre le beurre de cacao, puis le faire descendre en température et enfin le stabiliser. Ce n’est pas de la tarte, mais véritablement du chocolat !
Cerise sur le gâteau au chocolat, une école de pâtisserie
Valrhona, à Tain l’Hermitage, est devenu un petit empire chocolaté avec d’un côté l’usine qu’on ne peut visiter à notre grand regret, d’un autre de sérieux ateliers pour confectionner des chocolats à croquer. Mais c’est aussi une très réussie Cité du chocolat pour tout comprendre de cet intriguant passage de la fève à la tablette et des activités très éthiques de la marque vis à vis de ses producteurs, voire des régions entières qui bénéficient du bon goût chocolat dans les pâtisseries du monde entier. Puis, cerise sur le gâteau au chocolat, une école de pâtisserie dont on a pu franchir la porte.
A l’intérieur un silence d’église régnait, la religion sucrée se vit intensément, mais dans le calme, avec juste une fontaine à chocolat qui fait tic-tac en guise d’horloge, car tout est minuté dans ce domaine…
Deux champions du monde pâtisserie (Etienne Leroy et Bastien Girard) sont là pour le bonheur de stagiaires venus de toute la France et d’Europe travailler avec des maîtres. La pâtisserie est un secteur en pleine effervescence, les clichés des réalisations sont incessants et partagés instantanément aux fans et abonnés. « Tu verras, c’est ambiance millenials aujourd’hui », sourit une jeune femme à une autre. Certains sont très jeunes et tatoués en effet dans un métier qui fait de plus en plus rêver. Réinventer le fraisier est même devenu branché !
Frédéric Bau, co-fondateur de l’école, explique : « En tant que pâtissier on est content, car à l’époque, j’étais la honte de la famille avec mon CAP pâtisserie. Il y a même un peu trop de starisation, et c’est Pierre Hermé qui le dit lui-même : " du calme les gars, on ne fait que des gâteaux ! " Mais maintenant on parle beaucoup plus du sucré c’est bien, avant il n’y en avait que pour le salé ! » Mais à quel prix ! Ce métier est éreintant, c’est palpable.
« Les pâtissiers, nous sommes des passeurs d’émotions »
Bruno Grandvoinnet a le sourire des grands enfants heureux, épanouis dans leur métier, il explique : « À Besançon, j’ai une pâtisserie salon de thé, je viens deux fois par an aux ateliers et je suis partenaire Valrhona. Je viens ici pour apprendre les techniques. » A plus de quarante ans, le métier s’apprend donc continuellement : « Mon père a 75 ans, il était professeur à l’école de Paul Bocuse. Vous savez, on est 14 enseignes dans la même rue, alors faut marquer la clientèle, on est la plus vieille entreprise de la ville. » Alors que faire ? « C’est un métier qui bouge tellement ! Il faut communiquer beaucoup. Ici même en stage je communique. Je suis allé voir l’école à New York. La pâtisserie fait rêver les gens maintenant, c’est presque un monde paillettes. Parce qu’on est des passeurs d’émotions. » Il sourit et explique : « Certains classiques on les a tout le temps. On aura toujours quelqu’un pour venir chez nous et demander : "Y’a ma mamie qui venait acheter les gâteaux comme ça, vous savez ?" Alors il faut rester fidèle à nos produits, mais il y a les nouvelles tendances. Le chocolat est en plein essor. Avec le chocolatier Patrick Roger par exemple les émotions sont à leur apogée, on a jusqu’à trois moments dans la dégustation (les fameuses saveurs en bouche puis ensuite de tête qui peuvent aller de l’acide à l’amer, du floral au boisé ou fruité... Tout un voyage !). C’est un travail de savoir mélanger les ingrédients tout en dissociant leurs saveurs au moment de la dégustation. »
« En pâtisserie, on exporte notre raffinement, notre bon goût »
Quand on l’interroge sur une pâtisserie qu’il a créée chez Valrhona il y a plusieurs dizaines d’années, Frédéric Bau sourit : « ça fait un peu souvenir de guerre tout cela, mais le tigré a plus de 20 ans en effet et j’ai 30 ans de Valrhona. » Mais pourquoi et comment avez-vous créé un tel gâteau ? « A l’époque, trop souvent la pâtisserie, c’était pour les samedis et dimanches. Avec rien en semaine ! On voulait créer du quotidien avec Valrhona, de nouveaux outils et surtout des idées de recettes. On a pensé à un instant goûter et l’idée du tigré est venue en voyant des granules de chocolat. D’habitude c’est de la décoration et bien souvent ce n’est pas bon, mais chez Valrhona c’est réalisé avec du chocolat délicieux. Alors on a dégraissé une pâte à financier, la rendant plus légère pour y insérer du chocolat en paillette et j’aimais particulièrement cette forme de moule en coquillage, un peu comme les bonbons sucrés qu’on léchait dans une coquille : les roudoudou. » Au final, il y a eu cinq gâteaux pour la liste du goûter tendance Valrhona : le tigré, le saotoubo, le maroni, le coco et les demoiselles. Et Frédéric Bau a tellement réussi son pari que le tigré « est devenu un classique chez tout le monde ! »
Fruit d’une récente étourderie, cette fois, du même chef Frédéric Bau, Valrhona a encore étendu sa gamme dernièrement avec une saveur originale. Le chef avait laissé trop longtemps du chocolat blanc au bain-marie lors d’une démonstration pâtissière. Le constat en cuisine ? Une couleur blonde mais surtout une délicate odeur de sablé grillé et de lait caramélisé. Huit années de recherche et développement plus tard, Varhona a sorti dulcey. Et conjointement de toutes nouvelles pastilles qui ressemblent à du chocolat mais qui ne sont pas du chocolat mais un concentré de fruits.
Retour avec Bruno Grandvoinnet épaté et fier devant les réalisations de la journée : « La pâtisserie, c’est un métier où partout où on va dans le monde on trouvera toujours du travail. Son savoir-faire, on arrivera forcément à le vendre. En pâtisserie, on exporte notre raffinement, notre bon goût. »