Avec notre envoyée spéciale à Bastia, Valérie Gas
En se disant « favorable » à une mention de la Corse dans la Constitution, Emmanuel Macron répond ainsi à l’une des principales revendications des élus nationalistes de la collectivité de Corse, Gilles Siméoni et Jean Guy Talamoni qui étaient présents dans la salle à Bastia pour écouter le chef de l’Etat. C’est la seule vraie concession d’Emmanuel Macron aux nationalistes.
Et encore, le président de la République a pris soin de rappeler que la question du statut de la Corse n’était pas la réponse à tout. Et il a demandé aux élus de lui faire des propositions dans le mois à venir en vue de la révision de la Constitution en préparation.
Fermeté
Pour le reste, c’est un Emmanuel Macron très ferme qui s’est exprimé. Il a réaffirmé que la Corse était au cœur de la République et il a fait des enjeux du quotidien des habitants de l’île, du développement économique, des objectifs prioritaires pour l’Etat et la collectivité de Corse.
Emmanuel Macron a bien insisté le rôle de la solidarité nationale dans l’île pour la sécurité, la santé notamment. Une manière de rappeler aux leaders nationalistes et notamment à Gilles Siméoni, le président du conseil exécutif de Corse, auquel il s’est adressé, qu’il avait une responsabilité dans ce domaine, notamment pour faire bon usage des subsides de l’Etat.
Opposé à la co-officialité de la langue
Et puis, Emmanuel Macron a fermé la porte au statut de résident, au statut dérogatoire en matière fiscale et à la co-officialité de la langue.
Il s'est dit « tout à fait favorable à l'esprit du bilinguisme », mais contre la « co-officialité » de la langue corse, affirmant : « dans la République française, il y a une langue officielle, le français ». « Jamais je ne pourrai accepter qu'on réserve tel ou tel emploi à celui qui parle corse, car là ce serait un moins », a-t-il poursuivi.
Emmanuel Macron n’a en revanche pas évoqué la situation des détenus.
Une « occasion manquée »
Les nationalistes ont qualifié d' « occasion manquée » la visite du président dans l'île, en dénonçant un discours « très en deçà des attentes et des enjeux, non seulement de la majorité territoriale, non seulement des nationalistes mais également d’une très grande majorité de Corses ».
« Le président aurait pu s’affirmer comme l’homme d’Etat capable à la fois d’enraciner la paix, de construire la réconciliation, de définir le cadre d’un dialogue serein et apaisé prenant en compte la lutte, les aspirations, les intérêts de ce peuple. Il aurait pu faire tout cela et il ne l’a pas fait. Nous considérons donc que c’est une occasion manquée. », a déclaré Gilles Simeoni, le président de l'exécutif de la collectivité territoriale, en affirmant que les nationalistes allaient toutefois rester « dans un esprit de dialogue ».
Réactions chez LR et au PS
Cette reconnaissance constitutionnelle, demandée par les nationalistes, devra être négociée dans les prochains mois afin d'être inscrite dans la révision constitutionnelle en préparation pour le printemps prochain. Pour le député Nouvelle Gauche du Val d'Oise, François Pupponi, d'origine corse, il s'agit d'une première avancée. « Le fait que l'on puisse mettre la Corse dans la Constitution, qui était une des revendications non seulement des nationalistes, mais de la majorité précédente avec Paul Jacobi, rend possible l'évolution législative pour effectivement donner un avenir à la Corse et faire en sorte que l'on puisse adapter les règles, se réjouit-il. Alors on verra quelle est la réforme constitutionnelle qui sortira du dialogue qui va s'instaurer maintenant, mais en tout cas, c'est un premier pas. C'est le début d'une négociation, c'est la seule bonne nouvelle qui permet enfin d'avoir un dialogue un peu plus constructif, entre le gouvernement, le président de la République et les nationalistes qui sont au pouvoir en Corse. »
A l'inverse, à droite, de nombreux députés s'opposent à une modification de la Constitution sur ce sujet-là. Eric Woerth député LR de l'Oise. « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, parce que la République est indivisible, il ne faudra pas qu'elle devienne invisible. C'est-à-dire qu'on crée des particularités partout. Que l'on commence à ouvrir la Constitution à tout cela, c'est une très mauvaise idée. Ca ne veut pas dire que l'on ne reconnaît pas la particularité d'une région, de ses traditions, de son histoire, de sa géographie, de sa culture. Evidemment, la France est pleine de diversité. Il n'y a qu'une seule France, et il n'y a qu'une seule République. Je pense que c'est une erreur du président de la République car c'est une porte ouverte vers d'autres modifications, qui mettent à mal l'unité de la République. »