La tradition pâtissière de Noël à Strasbourg, baigne dans une imagerie ancestrale mais également une réelle modernité. Elle est le reflet de cet univers du sucré qui change. C’est auprès de Thierry Mulhaupt, chef pâtissier, qu’on peut le constater et comprendre comment. Dans son atelier en banlieue de Strasbourg, ils sont près d’une quinzaine d’ouvriers pâtissiers à s’organiser autour du chocolat, de la pâte et du sucre. Quand on s’étonne de sa “chute” professionnelle dans le sucre, Thierry Mulhaupt nous répond : « Je suis très exactement tombé dans la farine car mes parents ont tenu une boulangerie. Je suis la cinquième génération de boulanger, mais j’ai eu le besoin de m’exprimer. J’aime le côté graphique. J’ai gagné des concours et fréquenté les beaux-arts et les arts déco à Paris. Je peins et expose, car selon moi les couleurs ont du goût. »
« Ce n’est pas parce qu’on se dit artisan qu’on est rétro »
Dans son atelier, on passe en quelques mètres d’un atelier modelage à la main du massepain (une pâte confectionnée à base d'amandes mondées et finement moulues, mélangées à du blanc d'œuf et du sucre) à des machines hyper sophistiquées pour la découpe. La pâtisserie artisanale évolue tout en restant la même, il nous explique : « On vit un peu dans les extrêmes ici. On peut modeler un père Noël entièrement à la main, pour lequel il faut des années d’expérience et des milliers de modelages réalisés. » Il joint le geste à la parole et réalise sous nos yeux pendant une dizaine de minutes, avec des gestes chronométrés, millimétrés, un père Noël en massepain.
Des gestes appris auprès d’un maître du modelage allemand, Andreas Sindern de Recklinghausen en Allemagne, le même qui a initié Christine Ferber.
Puis Thierry Mulhaupt continue : « l’autre extrême c’est que juste derrière nous, on a une machine qui découpe des gâteaux et des décors en chocolat. Elle est ultra moderne et issue de la technologie du cuir. Elle permet de réaliser des décors en interne, avec une créativité sans limite. »
On ne dépend plus de personne. Ce n’est pas parce qu’on se dit artisan qu’on est rétro, je suis fan de l’artisanat moderne ! J’ai la chance d’être né dans une région riche en tradition gastronomique avec l’Allemagne non loin et l’Autriche également. Je me nourris des traditions pour, quelque part, les faire progresser, les faire rentrer dans notre période contemporaine, en les fabriquant aussi avec l’œil de l’artisan moderne. »
La liste des courses de Noël : bredele, mannele, läckerli, pain d’épices…
C’est au moment des fêtes que Strasbourg devient une ville unique en son genre, avec un marché de Noël connu mondialement qui expose toutes ces fabrications pâtissières traditionnelles. Il est temps de faire la liste de ces produits de Noël :
Les bredeles sont typiques de la région et conservent une part de mystère tant dans leur recette que dans leur réalisation avec des formes variées, ce sont des petits-fours sucrés.
Les manneles ont forme humaine et sont des petits pain de lait.
Les läckerlis sont proches du pain d’épices en plus croustillant et peuvent servir de base pour confectionner des bredeles.
Les sculptures en massepain comme des cochonnets roses, des pommes de terre (la couleur brune est de la poudre de cacao), des fruits... ornent les assiettes de friandises offertes aux enfants.
Le pain d’épices, ce gâteau au miel aromatisé d’épices est historique et les recettes sont différentes à chaque adresse. Christine Ferber le prépare des mois à l’avance !
Le stollen vient d’Allemagne, il est supposé représenter Jésus dans ses langes. C’est un pain aux fruits secs et confits garni de pâte d’amande, avec de la muscade, de la cannelle et de la vanille. Thierry Mulhaupt explique : « Le stollen on travaille longtemps dessus, avec une triple fermentation. A la sortie du four on le trempe dans un sirop qui contient du kirsch, des épices, du grand marnier... puis on le retrempe dans le beurre et on le roule dans le sucre et le lendemain on le saupoudre de sucre. »
La berawecka est constituée de fruits secs (noix, noisettes, poires, abricots, figues, raisins…), de fruits confits (orange et citron) macérés dans du Schnaps (eau-de-vie) de quetsche, retenus par une fine couche de pâte très épicée. Là encore, la recette varie entre chaque établissement et la présentation aussi.
Le chocolat est dans tous ses états avec les moulages de Noël traditionnels mais aussi les productions plus personnelles et artistiques.
« Les réseaux sociaux : une formation en direct live ! »
Selon Thierry Mulhaupt, la pâtisserie est un monde qui change et pas uniquement dans les ateliers ou derrière les vitrines des boutiques. « Le premier changement c’est la médiatisation : la circulation en photos et en vidéos de ce qu’il se fait, mais pas forcément les émissions télévisées ! Je pense plutôt aux conversations que je surprends des jeunes pâtissiers chez moi qui autour du café commentent ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux (Instagram Twitter Facebook). C’est une formation en direct live, ils ont accès en instantané à ce qui se fait à Miami, au Danemark ou en Norvège ! Je vous garantis que ce média qui informe, avec un côté backstage (les coulisses), met un véritable coup de pied au derrière ! La pâtisserie a progressé et est tirée vers le haut ! »
Il constate aussi l’excellence de la « French pastry school, un rayonnement de la France au travers de la pâtisserie qui est extraordinaire. » Pour Thierry Mulhaupt la route continue avec l'enthousiasme des nouveaux projets : « Je suis un fan de goût, fan de vin, et la complexité aromatique dans le vin, on la retrouve dans le chocolat. Depuis quelque temps le monde du chocolat bean to bar s’est ouvert à moi et c’est un domaine dans lequel je vais investir prochainement. »