Certains boutons de l’ascenseur doivent être changés, mais il fonctionne pour le huitième. Tant mieux, car c’est à cet étage, dans un appartement d’une résidence du boulevard de la Villette, au nord-est de Paris, que Mohamed Amghar a trouvé refuge. Il y a un peu plus d’un an, l’ancien stadier a quitté la Seine-Saint-Denis pour s’éloigner du Stade de France. Le voilà maintenant à Paris.
Ironie du sort, son nouveau chez lui se trouve à une dizaine de minutes à pieds des terrasses prises pour cibles par les terroristes en 2015.
Suivi psychologique
Mais peu importe, Mohamed cherche de toute façon à changer de quartier et si possible à vivre dans un endroit plus calme. Divorcé, deux enfants, il n’a pas pu reprendre le travail après les attentats. Impossible pour lui de monter dans un bus, dans un métro ou de prendre l’avion. Pour changer d’air l’été, c’est donc en voiture qu'il se rend au Maroc.
Mohamed Amghar ne dort plus, ou très peu. Il voit son psychologue chaque semaine avec l’espoir de renouer avec Morphée. En attendant, il faut vivre avec son traumatisme, apprendre à domestiquer les angoisses. Oubliés le marché, les musées ou les centres commerciaux, le moindre bruit le fait sursauter. La foule le terrifie.
Statue de la Liberté
Surtout ne pas sombrer et penser à « tout ce qui est positif ». « J’ajoute une goutte de mieux chaque jour, explique-t-il. Aujourd’hui, mon verre est à moitié plein. » Ecouter la musique du film le Dernier des Mohicans, regarder des films animaliers…
A côté de l’écran de télévision, une photo de la Statue de la Liberté à New York attire l'oeil. Mohamed Amghar était chauffeur de VTC dans la « Grosse Pomme » quand les Twin Towers se sont effondrées. Le destin, probablement. Il a aujourd’hui trois nationalités : américaine, française et marocaine, ce qui lui a valu d’être reçu chaleureusement par l’ambassade des Etats-Unis à Paris l’année dernière.
« Accident du travail »
Victime d’un « accident du travail », Mohamed Amghar est pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale. Ce qui ne lui permet pas de payer entièrement son loyer. L’aide au logement lui ayant été refusée, il accueille un étudiant de l’Ecole d’architecture comme colocataire.
Ce lundi, Mohamed est invité à la cérémonie en présence du président de la République près du Stade de France. Sur une table trône la « médaille d’argent de la Sécurité intérieure » remise par l’ancien ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Il ne se fait plus aucune illusion : « Nous sommes invités aux cérémonies, mais il n’y a rien derrière. »