Qu’est-ce que la réserve parlementaire, cette tradition que Macron veut abolir?

La loi de moralisation de la vie publique arrive devant l'Assemblée nationale, ce lundi 24 juillet 2017. Parmi les mesures phares du projet, la suppression de la réserve parlementaire est celle qui suscite le plus de contestation de la part des élus.

C'est une tradition qui date de la fin des années 1950. L'ordonnance portant création de la réserve parlementaire date du 2 janvier 1959, trois mois seulement après la naissance de la Ve République française. Elle découle, en fait, de l'article 40 de la Constitution fraîchement adoptée qui interdit aux parlementaires de faire des propositions de loi susceptibles d'aggraver les finances publiques. Pour pouvoir quand même lancer des projets coûteux, les députés se voient accorder une enveloppe financière à discrétion de l'Assemblée.

Dans les années 1970, la pratique glisse doucement vers une tradition bien différente : les députés puisent dans la « réserve » pour financer des projets, des associations ou des collectivités dans leur propre circonscription. A partir de 1988, les sénateurs se voient accorder le même privilège.

Des montants de plus en plus importants

En 2017, la réserve parlementaire atteignait les 147 millions d'euros contre 138 millions un an plus tôt, députés et sénateurs confondus. Et si, jusqu'en 2012, le président de la commission des Finances et le rapporteur décidaient seuls des crédits alloués à chaque député, les présidents des groupes politiques se sont depuis partagé ce rôle, provoquant souvent des écarts importants d'un parlementaire à un autre.

Depuis 2012, une somme forfaitaire de 130 000 euros était donc octroyée à chaque député, le double (260 000 euros) pour les vice-présidents et responsables de groupes parlementaires. Le président de l’Assemblée disposait, quant à lui, de 520 000 euros pour sa circonscription et d'environ deux millions d'euros pour des œuvres caritatives.

Souvent qualifiée de « clientéliste » et « d’opaque », la réserve parlementaire échappait à tout contrôle réel et indépendant. Les députés étaient régulièrement soupçonnés de verser les dotations dans un objectif purement électoraliste en choisissant les projets ou les organisations qui allaient bénéficier de subventions tirées de la réserve. En 2013, après l'affaire Cahuzac, la loi de « transparence de la vie publique » impose la publication des subventions attribuées. Début août 2013, le ministère de l'Intérieur publie ainsi deux listes (respectivement pour les années 2011 et 2012). La plupart des parlementaires avaient devancé l'appel en rendant leurs subventions publiques sur Internet, mais les critiques persistent.

Soupçons et critiques

Jugée moins opaque, mais toujours clientéliste, la réserve parlementaire (dont François Hollande avait déjà promis la fin, lors de la campagne électorale de 2012) fait son entrée dans l’élection présidentielle de 2017. En mars dernier, le quotidien France-Soir révélait, par exemple, que le député Nicolas Dupont-Aignan avait versé plus de la moitié des 600 000 euros de réserve parlementaire qui lui ont été alloués en quatre ans à sa seule ville de Yerres. C'est la commune la plus peuplée de la 8e circonscription de l'Essonne, au sud de Paris, mais elle ne représente qu'un tiers environ des habitants du département. C'est sur ce genre de cas concret qu'Emmanuel Macron s'est appuyé durant la campagne présidentielle pour proposer la suppression pure et simple de la réserve parlementaire.

Le projet ne fait toutefois pas l'unanimité et rencontre notamment une importante résistance chez Les Républicains et la Nouvelle Gauche (ex-Parti socialiste), qui réclament des compensations. Et si les élus de La République en marche, du MoDem et de la France insoumise se sont prononcés pour la suppression de la réserve parlementaire, il y a au sein même du mouvement d'Emmanuel Macron des dissonances qui ne sont certes pas apparues lors du travail en commission, mais qui pourraient ressurgir lors du débat général dans l'Hémicycle.

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