Projet de loi antiterroriste: les sénateurs ont deux jours pour amender

Le projet de loi qui vise à lever l’état d’urgence instauré en France après les attentats de 2015 est examiné par le Sénat ce mardi 18 juillet et mercredi 19 juillet. Le gouvernement veut aller vite. Ce texte devra toutefois encore repasser devant l’Assemblée nationale en octobre prochain. Controversé, le projet de loi antiterroriste vise à pérenniser certaines mesures prévues dans le régime d'état d'urgence dans le droit commun.

C’est un exercice d’équilibriste auquel doivent se livrer les législateurs, autour d’une question en apparence simple, mais qui amène forcément une réponse compliquée : comment continuer à protéger le pays de nouvelles attaques terroristes, telles que celles qui ont frappé le territoire ces derniers mois ? Et comment le faire sans dénaturer le régime démocratique et protecteur des libertés individuelles, tel qu’inscrit dans la constitution de la Ve République ? Les sénateurs ont donc deux jours pour répondre à cette question.

Pérenniser des mesures d’exception

L’objectif de ce nouveau texte est de transcrire certaines dispositions de l’état d’urgence dans le droit de commun, autrement dit de pérenniser des mesures d’exception. Les exemples les plus cités sont le pouvoir d’assignation à résidence, la pose de bracelets électroniques sur les individus fichés « S » -sécurité intérieure-, ou encore l’interdiction pour les suspects de fréquenter certaines personnes. Certaines dispositions du texte ont déjà été modifiées par le Conseil d’Etat. Exemple : les perquisitions administratives dans le cadre d’enquête terroriste. Ces dernières seront décidées par le préfet, mais avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD). Malgré ces modifications, le projet de loi reste critiqué dans le détail et sur le fond.

Tir de barrage au Sénat

Le Sénat, majoritairement à droite, a organisé un véritable tir de barrage. Pas moins de 65 amendements ont été déposés la semaine dernière devant la commission des Lois du Sénat. Cette dernière affirmait ainsi lundi avoir modifié le texte, de manière à « garantir un équilibre entre les impératifs de sauvegarde de l’ordre public et de protection des droits des libertés constitutionnellement garantis ». Concrètement, ces modifications impliquent une limitation de certains éléments du dispositif général prévu par le projet de loi. Les sénateurs demandent à ce que les principales mesures soient revues dans les 3 ans. Une limitation dans le temps notamment pour les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance dont l’application sera limitée jusqu’au 31 décembre 2021.

Communications électroniques et dispositif de pointage

Une limitation aussi par l’intervention d’un tiers. Les mesures individuelles de surveillance prononcées pour 3 ou 6 mois, ne pourront ainsi être renouvelées que par l’ordonnance d’un juge des libertés et de la détention. Autres amendements notables : la suppression pour les suspects du devoir de déclaration de leurs identifiants de communication électronique, qui porte « une forte atteinte aux libertés constitutionnelles. »

Les visites à domicile et la retenue des personnes seront également mieux encadrées. Quant aux astreintes de pointage auprès de la police ou de la gendarmerie la plus proche, elles seront limitées à trois par semaines, contre une fois par jour comme le prévoyait le texte initial.

« Despotisme doux »

Ces amendements proposés par les sénateurs ne calment pas les critiques venues de la société civile. Certains comme la juriste Mireille Delmas-Marty n’hésitent pas à qualifier le projet de loi chez nos confrères de Libération de « despotisme doux ». « Despotisme doux », « Dictature molle », l’essence même du texte est remise en cause par Nicolas Krameyer. Joint par RFI, ce porte-parole d’Amnesty Internationale affirme ne pas comprendre « la nécessité d’un tel projet de loi, sachant que l’arsenal antiterroriste français est déjà l’un des plus complets au monde. » Et d’ajouter : « Ces mesures dérogatoires si elles sont adoptées risque d’être appliquées sous un régime d’arbitraire extrêmement fort. »

Procédure accélérée

Au total plus de 500 chercheurs, militants des droits humains et universitaires ont signé un appel dénonçant une « régression de l’état de droit » en France. Devant la controverse, l’exécutif veut éviter que le débat ne s’éternise. Rappelons qu’il s’agit avec ce projet de loi de prendre le relais de l’état d’urgence prolongé une sixième fois par un vote du Parlement le 6 juillet dernier.

Le gouvernement souhaite une adoption rapide du texte et la procédure a donc été accélérée. Deux lectures seulement, une maintenant au Sénat et une à l’automne devant l’Assemblée nationale.

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