Richard Ferrand peut-il rester au gouvernement ? A cette question, Edouard Philippe répond « oui ». « Je dis oui, après avoir parfaitement compris, avoir parfaitement conscience de l'exaspération des Français, de leur émotion, de leur agacement », a concédé le Premier ministre sur le plateau de France 2 ce mardi soir. « Je me suis fixé des règles très claires », a-t-il poursuivi. La première est qu'« un ministre qui serait mis en examen devrait démissionner, il n'y a aucune ambiguité là-dessus. »
Le ministre de la Cohésion des territoires, un ex-socialiste rallié de la première heure à Emmanuel Macron, fait face à des appels à la démission après des informations du Canard enchaîné concernant notamment une location immobilière des Mutuelles de Bretagne, qu'il a dirigées, impliquant sa compagne.
« L'entourloupe »
En janvier 2011, Richard Ferrand et son conseil d'administration se réunissent pour choisir un site censé accueillir un nouveau centre de soins à Brest. Dans un premier temps, le directeur agit seul. Il trouve un local et signe un compromis de vente en son nom propre. Mais une clause prévoit déjà l'entourloupe, indique Le Canard enchaîné : la vente ne sera effective que si les Mutuelles signent un bail avec une société civile immobilière se substituant à lui.
Dans un second temps, le directeur propose l'affaire à son conseil d'administration, sans préciser qu'il s'est lui-même porté acquéreur. Sandrine Doucen, sa compagne, entre enfin en scène, écrit Le Canard enchaîné. Elle crée une SCI qui récupère le compromis de vente, prend la place de Richard Ferrand et achète à sa place. Il ne reste plus à la nouvelle propriétaire qu'à signer le bail avec les Mutuelles de Bretagne.
L'opération lui assure un gain d'un demi-million d'euros en 15 ans puisque les loyers encaissés vont couvrir le prêt intégral accordé par sa banque. Une bonne affaire dont l'architecte n'est autre que Richard Ferrand. Et l'hebdomadaire satirique de s'interroger : mais pourquoi donc n'a-t-il pas proposé de réaliser cette bonne opération au profit des Mutuelles dont il avait la charge ?
Du pain béni pour les partis adverses
Pour les partis en grande difficulté dans la campagne des législatives, en tout cas, l'affaire Ferrand est enfin l'occasion de gripper la machine à gagner Macron en parasitant l'un de ses arguments phares – la rupture avec les anciennes pratiques politiques – et en gênant le premier chantier du quinquennat, celui de la moralisation de la vie publique.
La loi est d'ailleurs repoussée d'une semaine. Initialement prévu pour le 7 juin, le texte sera finalement présenté en Conseil des ministres le 14. Officiellement pour motifs de vérification juridique, mais plus sûrement pour gagner du temps. Il est désormais trop tard pour lâcher Richard Ferrand. Alors pour l'instant, chez En Marche!, on serre les rangs et les dents. Pas un mot non plus sur la ministre Marielle de Sarnez, visée comme 18 autres eurodéputés par une enquête sur des soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires.
Pour En Marche!, il faut gagner du temps et résister jusqu'aux législatives. Car un point en moins sur des intentions de vote nationales, ce sont des dizaines de circonscriptions disputées qui peuvent être perdues. Le raz-de-marée sur les législatives risque d'être moins puissant qu'annoncé.
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