A l’entrée de la boutique, impossible de passer à côté de Toto, un imposant iguane mâle de 18 ans. Dans son grand terrarium, il dort paisiblement sur une branche de bambou, le dos chauffé par des lampes spéciales. L’animal, 1,50m de long, est dit très docile et gentil, pour autant ses griffes rappellent que Toto n’est pas un jouet. Derrière la vitre, João ouvre grand les yeux et est fasciné par cet animal, qu’il n’avait « jamais vu en vrai ». Venu en curieux, ce jeune quadra avoue être très impressionné : « C’est vraiment très beau, mais enfin, derrière la vitre ! Vous avez vu ces griffes ? Je n’irais pas l’embêter ! »
Prévention et sensibilisation
Si Toto se trouve tout juste à l’entrée, ce n’est pas un hasard. Tout visiteur et donc potentiel client de la Ferme Tropicale passe obligatoirement devant son terrarium pour rentrer dans la boutique. Dans cette animalerie spécialisée, où se fournit notamment l’émission de divertissement Fort Boyard, on vend pythons, tortues, geckos, caméléons, crapauds et même escargots géants ! Quant aux iguanes, ils sont cédés jeunes, alors qu’ils ne font qu’une dizaine de centimètres. Si au départ le reptile ne nécessite pas un grand terrarium, en grandissant il aura besoin d’un plus grand terrain de jeu, « de la taille d’une petite pièce », avertit Angel, vendeur et soigneur à la Ferme Tropicale.
Justement, à la caisse, Carmen et sa fille prennent les derniers conseils avant de repartir avec Blue, un petit iguane femelle d’une quinzaine de centimètres, qui coûte 29 euros. « Quand vous voulez la prendre, évitez de l’attraper avec la main par le haut : elle penserait que c’est un prédateur et vous pourriez vous faire mordre », prévient le vendeur. Tout sourire, Carmen, qui a déjà eu des lézards domestiques chez elle, a bien retenu que Blue ne mangerait pas de viande : « seulement des végétaux ! » rit-elle. Quant à la place que sa nouvelle amie va prendre, Carmen ne s’en inquiète pas. Hors de question de s’en débarrasser une fois qu’elle aura grandi : « Dans tous les cas, je sais qu’elle passera toute sa vie chez moi, là-dessus il n’y a pas de souci, aucun risque que je la relâche dans la nature, ça non ! », s’offusque presque cette mère de famille.
L’abandon est impossible
Le propre des animaux exotiques vendus ici est qu’ils ne sont pas adaptés à la vie sauvage en France. Le climat ne leur convient pas, ils mourraient pour la plupart très rapidement, de froid. Leurs terrariums sont en effet bien chauds : la température oscille entre 25 et 35 degrés. Mais leur survie, si elle est très rare, n’est pas impossible. Et dans ce cas précis, un animal exotique relâché dans la nature peut être dangereux, et pas seulement parce que croiser un python sur le palier de sa porte peut provoquer des sueurs froides.
Finalement, le plus grand danger ne pèse pas tant sur les humains, mais plutôt sur les autres espèces. « Il y a quelques années, des grenouilles de Madagascar avaient été relâchées dans un étang, dans l’est de la France, se souvient Angel, vendeur à la boutique. Elles avaient survécu grâce à un microclimat et en mangeant des insectes qui empêchaient les plantes de proliférer. Par la suite, les plantes ont donc proliféré et tous les poissons sont morts par manque de lumière. Parfois, on se dit "je vais juste relâcher ma grenouille dans l’étang du coin", mais cela peut avoir des conséquences catastrophiques sur les écosystèmes », déplore le soigneur.
Des refuges pour NAC
Plutôt que de les relâcher dans la nature, de nombreux propriétaires qui ne peuvent ou ne veulent plus s’en occuper décident de ramener leurs animaux exotiques à la Ferme Tropicale. « Ça arrive tous les jours », assure Angel qui, justement inspecte un gecko ramené à la boutique par son ancien maître. L’animal, après vérification de son état de santé, est placé dans un terrarium adapté et parfois revendu. Toto l’iguane, lui, est là depuis 15 ans. Son ancien propriétaire l’avait ramené à la boutique, car il ne pouvait plus s’occuper de lui.
Ces animaux exotiques abandonnés finissent parfois dans des refuges. A Liège, en Belgique, l’association Crusoé compte près de 400 membres. Iguanes, mygales, caïmans à lunette, ou autres serpents à sonnette sont les pensionnaires de ce parc zoologique qui recueille les NAC abandonnés. « Le plus souvent, ils finissent leur vie ici, parce qu’on ne sait pas aujourd’hui comment les réinsérer dans la nature », explique Amandine Chapuis, la vice-présidente de l’association, qui précise que « les programmes de réinsertion coûtent extrêmement cher ».
Certains animaux recueillis par ce refuge sont des espèces menacées. Ceux vendus en animalerie sont autorisés à la vente dans un cadre défini. La Convention de Washington, signée par 175 pays en 1973 délimite strictement le cadre de ce commerce et interdit le commerce de certaines espèces. C’est donc sur le marché noir que s’échangent les espèces en danger de disparition. En 2015, la douane française a ainsi saisi près de 400 animaux exotiques interdits à la vente, essentiellement des tortues.