Autisme: de l'urgence de sensibiliser et d'agir en France

Le 2 avril marque la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. A cette occasion, le gouvernement français lance une campagne de communication avec un site internet offrant une « expérience digitale » et une vidéo diffusée dans les salles de cinéma. L’association SOS Autisme, elle aussi, a lancé le 21 mars dernier sa propre campagne. Mais au-delà d’informer le public, l’association appelle avant tout à mettre en œuvre rapidement des actions concrètes pour réintégrer les personnes atteintes d’autisme dans la société.

A travers les yeux d’un enfant, l’internaute est invité à retrouver un livre dans la bibliothèque de sa chambre. Mais ce qui est à première vue une tâche simple se complique quand, face à l’imprévu, sons et images parasites viennent troubler sa concentration. C’est une des expériences interactives que propose le site immersif du ministère de la Santé pour inviter le spectateur à se mettre, l’espace de quelques minutes, dans la peau d’un enfant victime de troubles du spectre autistique (TSA).

Le site « Dis moi Elliot » fait partie de l’arsenal de campagne de sensibilisation à l’autisme lancé par le gouvernement, il y a quelques jours, en prévision de la journée mondiale consacrée à ce thème, le 2 avril. Le ministère de la Santé a également produit un court-métrage, diffusé dans 80 salles de cinéma jusqu’au 12 avril et visible sur internet, dans lequel cet enfant, « Elliott », est confronté aux difficultés quotidiennes liées à son handicap, telles que les troubles de la communication, les comportements répétitifs ou l’hypersensibilité.

Préjugés et discriminations

Avec pour slogan « ne laissez pas les préjugés parlez à leur place », cette campagne de communication, qui s’inscrit dans le troisième Plan autisme (2013-2017) doté de 205 millions d’euros, a pour objectif de « sensibiliser et changer le regard sur l’autisme ». Selon la Haute autorité de santé, un nouveau-né sur 150 serait concerné par l’autisme. Pourtant, c’est encore un handicap méconnu sur lequel certaines idées fausses circulent. Par exemple, un sondage OpinionWay de mars 2012 rapportait qu’un Français sur trois considère à tort qu’un individu autiste est une personne atteinte de troubles psychologiques.

« Les enfants et adultes autistes souffrent du regard porté sur eux. Les parents témoignent sans relâche des idées fausses, des difficultés, voire des discriminations que leurs enfants, mais aussi eux-mêmes, subissent au quotidien », a rappelé la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville, lors de la soirée de présentation de la campagne du ministère et de son spot de sensibilisation, le mardi 29 mars.

Mais cette vidéo n’est pas du goût de tout le monde. Olivia Cattan, présidente de l’association SOS Autisme, pointe du doigt le fait d'avoir choisi un comédien qui n'est pas autiste pour jouer le rôle et critique la mise en scène d’un enfant en pleine crise. « On est suffisamment en retard en France pour éviter les clichés et les préjugés dans une vidéo de sensibilisation », estime-t-elle, jugeant par ailleurs que « le message n’est pas très lisible ».

Scolarisation, recherche, prise en charge : le retard de la France

Pour cette association, si informer le public est une nécessité, il est surtout vital d’agir, et vite, avec des mesures concrètes sur le terrain, notamment pour « combler le retard de la France » dans ce domaine. Olivia Cattan a remis un manifeste de dix propositions à la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, où figurent les chantiers les plus urgents, selon elle. La question du manque de scolarisation, du financement de la recherche ou de la formation des auxiliaires de vie sont en bonne place. Mais l’une des problématiques incontournables reste la coûteuseprise en charge des enfants, qui est presque entièrement à la charge des parents.

« Ça nous coûte des sommes folles chaque mois, entre 3 000 à 5 000 euros pour une prise en charge correcte. On ne peut pas tout faire nous-mêmes sans que ça nous revienne affreusement cher. Et beaucoup de familles n’ont pas les moyens financiers pour ça ! » déplore la présidente de SOS Autisme. Olivia Cattan demande entre autres une prise en charge par la Sécurité sociale des soins prescrits par les médecins. « Les médecins vous disent d’aller voir un psychologue, un psychomotricien, un ergothérapeute. Sauf que tout ça, ce n’est pas remboursé. Comment faites-vous ? »

« Il est autiste, et alors ? »

En attendant des avancées concrètes, l’association SOS Autisme a, elle aussi, lancé sa propre campagne de communication, le 21 mars dernier, diffusées sur les chaînes de télévision et certaines salles de cinéma. Dans une série de spots en noir et blanc, des autistes témoignent des préjugés dont ils sont victimes, avec, en conclusion, l’intervention d’une célébrité qui interroge le spectateur : « il est autiste, et alors ? »

Malgré sa vive colère vis-à-vis du « manque de volonté politique » du gouvernement et ses critiques sur leur campagne de communication, Olivia Cattan souligne la nécessité de se mobiliser à l’occasion de journées comme celles-ci. « C’est important pour les enfants et les familles. Ça leur permet d’être visibles… Les enfants sont contents et les gens se rencontrent et peuvent sensibiliser leurs voisins ». Reste que la route semble encore longue pour que le problème de l’autisme soit pris à bras le corps en France.

Partager :