Comme un critique qui avait défini en 1911 que le cinéma était le « septième art », Laurent Binet nous fait découvrir en 2015 La Septième fonction du langage, ultime trouvaille du linguiste russo-américain Roman Jakobson. Une fonctionnalité aussi mythique qu’inquiétante, car il s’agit de la capacité « de convaincre n’importe qui de faire n’importe quoi, n’importe quand ».
On comprend vite qu’on est face à un roman policier qui démarre sur les chapeaux de roue, l’assassinat (fictif) de Roland Barthes, l’une des têtes pensantes en France dans les années 1970. Binet nous fait aussi rencontrer les sémiologues, sociologues, psychologues et philosophes de cette époque chatoyante : du « grand chauve » Michel Foucault, en passant par Hélène Cixous, Jacques Derrida et Julia Kristeva, jusqu’à Gilles Deleuze, Jacques Lacan et Bernard-Henri Levy.
Une farce philosophique
Laurent Binet, né en 1972, à Paris, fils de professeurs communistes, agrégé de lettres et ancien prof dans une Zone d’éducation prioritaire de la Seine-Saint-Denis, a pris dans son deuxième roman la liberté de transformer l’accident malheureux de Roland Barthes après un déjeuner avec François Mitterrand, le 25 février 1980, en un vaste complot. Comme la camionnette avait renversé Barthes, Binet renverse les codes littéraires établis pour créer une farce philosophique. Le tout est raconté dans un style de polar sémiologique pour évoquer l’histoire de la « French Theory » mondialement acclamée, mais aussi la vie parisienne et les milieux intellectuels de l’époque.
Après son premier roman HHhH salué par la critique et le public, le prix Interallié couronne avec La septième fonction du langage la virtuosité verbale d’un auteur et ressuscite Roland Barthes à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, le 12 novembre !
► Ecouter l’interview avec Laurent Binet sur son roman La Septième fonction du langage.