Saisi des demandes d'indemnisations de deux malades de 72 et 67 ans exposés au Mediator, le tribunal a estimé qu'aux dates de prescription du médicament, 2003 et 2006, « les connaissances scientifiques [faisaient déjà état des] risques d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathie induits par le benfluorex [son principe actif, ndlr] ».
Or, souligne le tribunal dans son jugement, « la seule suspicion de ces risques » obligeait le laboratoire « à en informer les patients et les professionnels de santé », notamment dans la notice d'utilisation. Leur responsabilité engagée sur le fondement de la « défectuosité » du médicament, recouvrant notamment le défaut d'information et le défaut de sécurité, les laboratoires sont condamnés à verser respectivement 27 350 euros et 10 000 euros aux deux victimes.
Cette première décision sur le fond est une « victoire », mais une « victoire en demi-teinte », a commenté l'avocat d'une des victimes, Me Charles Joseph-Oudin, en critiquant « le montant dérisoire » des indemnisations. Son client va faire appel : il demandait 900 000 euros. « Au-delà de cette décision de fond satisfaisante, le niveau des indemnisations est non dissuasif: cela ne va pas apporter plus d'éthique dans l'industrie pharmaceutique. C'est un permis de continuer », a pour sa part estimé Me Martine Verdier.
« Un jugement en demi-teinte »
Interrogée par RFI, le docteur Irène Frachon, qui avait à l'époque révélé le scandale du Mediator, estime, elle aussi, qu'il s'agit « d'un jugement en demi-teinte ». Elle a cependant estimé qu'il devait « conduire à s'interroger sur la fiabilité et les conditions de sécurité dans les activités commerciales exercées encore aujourd'hui par le laboratoire ». Elle a également précisé qu'elle trouvait les « montants des indemnisations très choquants alors que les patients ont subi des dommages majeurs », avant d'ajouter que les laboratoires Servier « s'en tiraient à bon compte ».
Pour reconnaître la « défectuosité » du médicament, le tribunal s'est notamment appuyé sur le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2009 qui a conclu que « les éléments recueillis par les autorités de santé entre 1995 et 2005 auraient dû conduire à une évaluation défavorable de la balance bénéfice-risque du Mediator ».
Une première étape symbolique
Dans un communiqué, l'entreprise déclare que « Servier prend acte des jugements », et se « réserve la possibilité de faire appel » avant de confirmer « son engagement d'indemniser chaque patient dont les dommages sont liés » à la prise du Mediator « et continuera à le faire indépendamment des procédures judiciaires portant sur sa responsabilité », a précisé la société.
Mais cette première décision à la portée symbolique n'est qu'une étape dans le feuilleton du scandale du Mediator. Si les victimes espèrent qu'elle permettra de débloquer des procédures judiciaires - des centaines en France -, elle n'est pas encore définitive, puisque des appels ont été interjetés.
(Avec AFP)