Un bureau sinistre du Pôle emploi ouvre la scène. Thierry (Vincent Lindon), 51 ans, cheveux court, petite moustache et depuis 20 mois au chômage, se cogne contre un mur d’ignorance. L’agent veut lui encore une fois vendre un stage où il n’y a pas de travail après. Mais le temps presse. Dans quelques mois, il sera en fin de droits et n’aura plus que 500 euros par mois pour nourrir sa femme, son fils handicapé et rembourser le crédit de sa maison.
Hélas, dans sa situation actuelle, la fierté doit rester pour lui un mot inconnu. Thierry est bien obligé d’avaler toutes les couleuvres s’il veut retrouver un travail. Alors il accepte tout et n’importe quoi : l’humiliation pendant un entretien d’embauche via Skype où il doit se montrer « flexible » pour les horaires et le salaire, se laisser dézinguer par sa conseillère banquière qui le pousse à vendre sa maison au lieu de consentir un petit crédit pour financer une formation à son fils Matthieu.
Une France à bout de souffle
Au bout du rouleau, on lui propose enfin un travail. Il sera agent de sécurité dans un hypermarché avec 86 caméras de surveillance en fonction. Un poste où il observe une France à bout de souffle. Et avec des caméras sur des rails, chaque client peut être suivi de très près. « Tout le monde est susceptible d’être un voleur, les jeunes, les vieilles, les riches, les pauvres », lui explique son collègue, « le vol n’a pas d’âge ni couleur ». Et l'encourage à avoir aussi un œil sur les caissières, parce que le directeur aimerait bien en licencier quelques-unes pour augmenter les profits.
A côté de Vincent Lindon, il y a des acteurs non professionnels qui jouent dans le film leur propre rôle dans la vie. Un choix de cœur pas toujours convaincant, car le réalisme des caissières et des agents de Pôle emploi se heurte parfois au jeu d’acteur subtil d’un comédien raffiné. Le résultat se situe quelque part entre la précision et l’intensité d’une fiction et la puissance d’un documentaire.
Une descente morale et sociale
La Loi du marché exige une telle pression économique que même les clients et caissières les plus « honnêtes » craquent pour soustraire un bout de viande, des coupons de réductions ou des points bonus. Pour Thierry se pose alors la question de continuer sa descente morale et sociale et participer à cette criminalisation de la pauvreté. Comment rester humain face aux lois du marché ? Comment changer la situation si personne ne se sent responsable ? Le film se garde bien de donner des réponses. Et à la fin on est Brizé.
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