[Reportage] L’Hermione a mis les voiles vers l'Amérique

Il y a trois siècles, l’Hermione traversait l’Atlantique avec à son bord le marquis de La Fayette. 235 ans plus tard, sa réplique à l’identique suit les traces de son ancêtre, direction les Etats-Unis, après 17 ans de travaux. Son retour en France est prévu en août prochain.

De notre envoyée spéciale

Le jour se lève à peine, un épais brouillard recouvre les abords de l’île d’Aix. Le zodiac qui transporte les journalistes à bord de l’Hermione continue son avancée, sans qu’il ne soit possible de voir à plus de quelques mètres autour du petit bateau. « Là, sur la gauche ! » Les têtes se tournent. La silhouette de la frégate semble surgir de nulle part. Les canons positionnés, les trois mâts fièrement dressés, en un clin d’œil, l’Hermione transporte quiconque la regarde trois siècles en arrière.

Un équipage de 80 personnes

Et pourtant, à bord, aucune trace de La Fayette, ce marquis qui traversa l’Atlantique à bord de l’Hermione pour témoigner du soutien de la France aux insurgés américains, pendant leur combat pour l’indépendance.

L’équipage, qui compte 80 personnes, est dans l’air du temps. Les vestes en cuir retourné, les pantalons imperméables et les chaussures de randonnée n’ont rien du XVIIIe siècle. L'un des volontaires se plaît toutefois à travailler en habit d’époque.

Ils reviennent tous de trois jours en mer. Un dernier entraînement à bord de l’Hermione avant le grand départ, prévu quelques heures plus tard. Il a fallu se remettre dans le bain, et vite, après cinq mois passés à terre. « Il fallait remettre tout le monde en jambe, que l’équipage reprenne ses marques, se réhabitue au navire, à sa complexité, mais aussi au mal de mer », ironise Yann Cariou, commandant de l’Hermione.

Le départ approche. A bord, marins professionnels et volontaires connaissent le rituel, un briefing de la journée avec le Bosco, le maître d’équipage. Un train-train bientôt quotidien, et déjà parfaitement maîtrisé. Les équipes se répartissent les tâches de la journée. Personne n’échappera à la corvée de ménage.

Postée à l’avant du bateau, Manon porte une paire de jumelles et un talkie-walkie. Elle est en veille, c’est-à-dire chargée de s’assurer qu’aucun bateau ne s’approche de l’Hermione sans autorisation. Difficile de croire qu’elle débute en navigation, tant elle paraît sereine. « Les marins professionnels à bord ne sont pas inquiets, alors je n’ai aucune raison d’être inquiète », raconte la jeune femme, sourire aux lèvres.

Les journalistes repartent, mais l’équipage n’en a pas fini avec les visites. En début d’après-midi, branle-bas de combat, François Hollande embarque pour une heure. Pendant ce temps, à terre, des milliers de visiteurs se pressent pour voir parader l’Hermione. Une fanfare entonne la bande originale du film Pirates des Caraïbes.

Une parade de plusieurs kilomètres

Huguette est assise aux premières loges, juste à côté des barricades. La vue est dégagée… et méritée ! La spectatrice est arrivée dès 8h du matin pour s’assurer d’avoir une place. « C’est incroyable… J’ai 83 ans, et je peux maintenant partir tranquille, j’aurai vu quelque chose d’extraordinaire au moins une fois dans ma vie », s’émeut-elle.

La frégate avance, sans tambour ni trompette, mais au rythme des feux d’artifice et des canons à blanc que tire l’Hermione. Le public applaudit. Dans les rangs, quelques déçus se plaignent de ne pas voir le navire débarquer voiles au vent. A l’aller comme au retour, les 2 200 mètres carrés de voilure resteront solidement enroulés. Au milieu de la foule, Damien, un collégien de 12 ans ne se fait pas prier pour chantonner l’hymne de l’Hermione, qu’il connaît par cœur : « Hermione est en nos cœurs, marins du monde entier, frégate de liberté, tu nous donnes envie d’espérer ».

Trois Mirage 2000 de l’escadron La Fayette basé à Istres survolent la frégate, avant que cette dernière ne rentre au mouillage, près de l’île d’Aix. Les spectateurs saluent une dernière fois le trois-mâts, cathédrale des mers qui doit maintenant accomplir un défi lancé il y a plus de vingt ans : traverser l’Atlantique, 235 ans après son ancêtre.


Les Etats-Unis s'apprêtent à dérouler le tapis rouge à l'Hermione

Avec notre correspondant à Washington,  Jean-Louis Pourtet

Le départ de l’Hermione n’est pas passé inaperçu aux Etats-Unis. La chaine CBS a réservé un reportage de 3 minutes à l’Hermione dans son émission matinale d’information. Commentaire admiratif du présentateur en studio : « Quelle allure ! ».

Outre les bons vœux d’Obama dans une lettre à en-tête de la Maison Blanche, l’Amérique s’apprête à déployer le tapis rouge pour l’Hermione attendue le 5 juin à Yorktown, haut lieu de l’histoire américaine, qui vit la victoire finale des troupes révolutionnaires sur les Britanniques grâce à l’arrivée de la marine française.

L’élégante frégate fera escale dans 11 villes de la côte Est, dont Baltimore, Boston et New York, le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine. L’une de ces escales sera particulièrement significative : Mount Vernon, la demeure de George Washington sur le fleuve Potomac, en Virginie. Le premier président américain y avait reçu son ami le marquis lors de son retour triomphal en Amérique en 1824. Dans le couloir central est accrochée la clé de la Bastille que Lafayette avait fait parvenir à Washington comme « symbole de la victoire de la liberté sur le despotisme ».

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