« L’impression d’être considérée à tout jamais comme une cancéreuse », c’est ce que ressentait cette jeune femme plus de dix ans après avoir été victime d’un cancer du sein. Une maladie qui était derrière elle jusqu’au jour de l’année dernière où elle a demandé à son banquier un emprunt pour un projet immobilier. « Ce jour-là, dit-elle, je suis tombée des nues ; j’ai dû déclarer que j’avais eu un cancer en 2001, cancer considéré comme guéri par mon médecin, mais pas par la compagnie d’assurances. »
Droit à l’oubli
Conséquence : une prime multipliée par trois et un projet remis à plus tard… Mais, cette double sanction devrait bientôt être du domaine du passé. « Le droit à l'oubli c'est la volonté que lorsque les médecins vous considèrent guéri d'un cancer, vous le soyez pour le reste de la société et en particulier pour les banques ou pour les assureurs », a déclaré Marisol Touraine lors de la remise du rapport d'étape dutroisième plan cancerà l'Elysée, le 13 mars. La ministre a particulièrement insisté sur le cas des enfants et des adolescents qui, une fois adultes et guéris, ont toutes les difficultés à contracter un emprunt.
Le nouveau dispositif est en discussion notamment avec les acteurs de la convention l’Areas («S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé»), un texte signé en 2007 qui jusqu’à aujourd’hui régissait les conditions et tarifs d’emprunt des anciens malades. Selon la ministre des Affaires sociales, « les discussions avancent avec la fédération des assureurs (FFSA). Elles ont l'air de progresser à grands pas et si une convention peut être signée ce qui semble être le cas dans les prochains jours, on n'aura même pas besoin de passer par la loi. Mais si ça n'était pas le cas évidemment un amendement serait déposé... », a ajouté Marisol Touraine.
Les enfants d’abord
Alors que le projet de loi Santé est rejeté avec force par les médecins libéraux, la partie concernant le droit à l’oubli est au contraire largement soutenue par tout le corps médical. En cela, les praticiens de la santé rejoignent la majorité des Français qui estiment à 62 % dans un sondage diffusé le 15 mars par la Ligue contre cancer « qu’on rencontre souvent des problèmes financiers après un cancer ». Ils sont même 82 % à juger « qu’il est plus difficile de trouver un prêt bancaire ou de s’assurer » après la maladie, alors qu’à 91 % ils pensent qu’on « soigne de mieux en mieux » le cancer.
Le texte qui dispensera de déclaration les anciens malades repose sur trois piliers. D’abord, le droit à l’oubli concernera tous les cancers des enfants selon le vœu exprimé par le président Hollande lors de sa présentation du troisième plan cancer. Les adultes seront également inclus dans cette mesure ; ils n’auront plus à déclarer la maladie passé un certain nombre d’années, après la fin du protocole thérapeutique, qui reste à préciser. Le nouveau dispositif prévoit aussi d’intégrer les progrès de la science en se référant aux éléments statistiques relatifs au traitement des cancers.
Cette avancée touche directement des centaines de milliers de personnes en France où chaque année environ 355 000 cancers sont dépistés. Première cause de décès, devant les maladies cardiovasculaires, le cancer est responsable annuellement de 148 000 décès.