Avec notre envoyé spécial à Silicon Valley, Guilhem Delteil
Il y a une expression qui revient souvent dans la bouche de Bernard Cazeneuve. Le terrorisme, dit-il, est désormais en « libre accès ». Comprendre en libre accès sur Internet, désormais vecteur numéro 1 de radicalisation, puisqu'en France par exemple, 90% des cas sont concernés, selon le « premier policier » du pays. Facebook, Twitter, Google et les autres géants du secteur hébergent ou permettent de relayer de la propagande jihadiste et des appels à la haine. Des contenus que le ministre français de l'Intérieur aimerait voir disparaître au plus vite.
Donc, si ces sociétés peuvent être de précieux alliés dans le déroulement des enquêtes, elles peuvent aussi devenir de sérieux obstacles. Leurs réseaux sont des lieux d'échanges entre recruteurs et candidats au jihad, et entre terroristes planifiant une attaque. Or, pour placer des comptes sous surveillance, les procédures sont complexes et différentes d'un opérateur à l'autre. De quoi y perdre un enquêteur. Enfin, le cryptage des communications a été renforcé au point que les services de renseignement ne peuvent plus déchiffrer les codes lorsqu'ils placent, légalement, une personne sous surveillance.
Tous ces sujets, le ministre français les a déjà abordés avec les représentants en Europe de ces grands groupes mondiaux. Et le dialogue est plutôt compliqué. Alors, bras de fer en perspective ? « Est-ce que j'ai une tête à contraindre les gens ? On convainc les gens, on parle. Je ne vais pas en Californie - ce serait très prétentieux de ma part - avec l'ambition d'administrer une ordonnance aux géants de l'Internet », souligne le ministre.
Trop de vidéos de propagande jihadiste
Il y a deux principaux points que Bernard Cazeneuve veut aborder. Le premier, c'est le contrôle des contenus mis en ligne par ces géants de l'Internet. Il y a trop de vidéos de propagande jihadiste aux yeux du ministre français de l'Intérieur, trop d'appels à la haine. Mais les opérateurs affirment qu'il n'est pas possible de filtrer en amont vu la quantité de données postées sur leurs serveurs. 300 heures de vidéos sont ainsi mises en ligne chaque minute sur YouTube. Le filtrage s'opère donc a posteriori... quand les Internautes ou services gouvernementaux signalent un contenu. Il faut alors quelques heures pour les retirer, soulignent les opérateurs. Quelques heures seulement, disent-ils. Quelques heures de trop, répondent les autorités françaises.
Le deuxième point porte sur la collaboration avec les services de police. « Les opérateurs ont fait des offres de service intéressantes pendant les attentats de Paris », reconnaît-on dans l'entourage de Bernard Cazeneuve. Mais les procédures sont complexes et pas toujours bien définies. Et mettre un compte sous surveillance est parfois un vrai défi. « Nous sommes pour une meilleure coopération, mais dans un cadre juridique très défini », répond le géant Google. « On se doit de travailler avec les autorités, mais on doit aussi protéger nos utilisateurs », explique l'un de ses responsables.