Il faudrait, pour que la motion de censure soit adoptée, que tous les députés UMP, UDI, non-inscrits, mais aussi ceux d'EELV, du Front de gauche, ainsi que 19 socialistes ou radicaux, la votent. Or, les radicaux et les écologistes ont déjà prévenu qu'ils ne la voteront pas. « Il est très clair pour nous que même si nous avons des critiques [...], il est hors de question de devenir un groupe d’opposition », confirme François de Rugy, co-président du groupe écologiste à l’Assemblée. Avant d'ajouter : « les écologistes sont dans la majorité, c’est avec les groupes de la majorité que nous voulons travailler, et nous ne nous lancerons pas dans une opération de front du refus, contre nature d’ailleurs, où l’on voit l’UMP, l’UDI et le Front de gauche. »
Mais surtout, les députés socialistes frondeurs le répètent depuis mardi : ils ne veulent pas faire tomber le gouvernement, même s’ils ont immédiatement crié au passage en force et à l’autoritarisme. Signe que pour eux, il n’y a aucun doute : il est impossible de s’opposer au gouvernement, et surtout au président de la République.
Pas de majorité alternative, pour le chef de l'Etat
François Hollande s’est en effet investi personnellement dans le texte d’Emmanuel Macron. Ce mercredi, en Conseil des ministres, le président est ainsi monté en première ligne. Il a justifié l’usage de l'article 49.3 de la Constitution, et ce avec les mêmes mots que Manuel Valls la veille : nécessité d’aller vite, de ne pas prendre de risque. Pour le chef de l’Etat, pas de doute, il n’y a pas de majorité alternative et le vote de ce jeudi le montrera.
À droite, on ne se fait d’ailleurs guère d’illusions, même si on justifie en grande partie le dépôt de cette motion de censure par les divisions au sein de la majorité. A l'instar du député UMP Eric Ciotti, qui énumère les raisons pour lesquelles l'UMP a lancé cette procédure : « Pour censurer le gouvernement qui a échoué, pour censurer une majorité qui est éclatée, disloquée, pour censurer un bilan qui est épouvantable pour notre pays, qui est à la base de cette déroute économique. » L'élu des Alpes-Maritimes invite ainsi « tous ceux qui se reconnaissent dans cette motion de censure [à] la voter.Nous demandons la censure de ce gouvernement, mais en même temps, nous portons un projet alternatif, ajoute-t-il. C’est ça l’important, c’est ça qu’il y a derrière la motion de censure. »
« Il y en a qui vont prendre des claques »
Reste que l’épisode va laisser des traces. Le gros des troupes socialistes n’a pas digéré l’attitude des frondeurs. « Ça va mal finir, il y en a qui vont prendre des claques », prophétise ainsi un élu socialiste proche de Manuel Valls. Un coup de sang qui traduit le climat d’extrême tension qui règne au sein du groupe PS. Dans les rangs de la majorité, nombre d’élus demandent à ce que les frondeurs soient sanctionnés.
Luc Belot, député du Maine-et-Loire, l’affirme pourtant, il n’est « pas pour les baffes », mais « pour clarifier les positions ». L’élu cache cependant mal son agacement. « Que les députés socialistes qui préparent le congrès aillent à leur congrès et qu’ils nous foutent la paix, s'insurge-t-il, qu’ils nous laissent travailler ici. Ce ne sont pas ceux qu’on voit le plus travailler. » D’autres élus socialistes vont plus loin et estiment que les frondeurs doivent maintenant être sanctionnés. Pour Philippe Doucet, député du Val-d’Oise, une première étape consisterait à leur « retirer leurs attributions », visant directement la députée PS Valérie Rabault. « Quand une rapporteure générale du budget [Valérie Rabault, NDLR] ne veut même pas dire son choix de vote, on est dans le surréalisme total. »
Une charte du groupe socialiste
Christophe Caresche, député de Paris, propose quant à lui la mise en place d’une sorte de charte que devraient signer les membres du groupe socialiste. « La question qui doit être posée à chacun est de savoir si, lorsqu’ils adhèrent au groupe socialiste, ils acceptent d’appliquer la position majoritaire du groupe. Ceux qui ne souhaitent pas prendre cet engagement ne font pas partie du groupe. » Réponse de l’un des intéressés, Christian Paul : « Si c’est une charte pour un dialogue efficace, entre nous, avec le gouvernement, je signe des deux mains. »Bref, le dialogue de sourds continue entre les frondeurs et les partisans de la ligne gouvernementale. « On a franchi un cap », s’inquiète un député francilien, qui craint des déchirures irrémédiables.
face aux derniers évènements, le président de l'UMP Nicolas Sarkozy a réagi ce jeudi matin. L'ancien chef de l'Etat dénonce des « mensonges répétés » de François Hollande. « Le 49.3 d'aujourd'hui, c'est la conséquence des mensonges répétés de François Hollande, considère M. Sarkozy. Quand on ment toujours et tout le temps, quand on ment à ses amis, quand on ment à sa majorité et quand on ment aux Français, il y a un moment donné où on paie l'addition. Qu'est-ce qui explique la révolte d'une partie de la majorité ? Je ne partage pas leur point de vue, mais quand on leur a expliqué pendant toute une campagne qu'on ferait une politique de gauche, qu'il n'y avait pas de crise dans le pays, que la crise, c'était uniquement dû à un certain Nicolas Sarkozy, et qu'on fait exactement le contraire, à ce moment-là on crée les conditions... les conditions de quoi ? De la révolte. »