Attaques de Montrouge et Vincennes: où est passée Hayat Boumeddiene?

Les frères Kouachi, auteurs présumés de la tuerie de Charlie Hebdo, sont morts. Amedy Coulibaly, auteur présumé du meurtre d'une policière municipale à Montrouge et preneur d'otages avéré le lendemain porte de Vincennes, est mort également. Au total, 20 personnes sont mortes en France en trois jours. La police, qui cherche à déterminer la responsabilité des uns et des autres, a gardé plusieurs personnes en garde à vue. Mais il lui manque une femme, l'épouse religieuse d'Amedy Coulibaly toujours dans la nature.

Pour le président Hollande, « la France n'en a pas terminé avec les menaces ». Pour son Premier ministre, « la France a fait face, elle n'en a pas terminé ». Un travail de fourmi s’engage désormais, pour déterminer les suites à donner aux recherches après les tueries de ces derniers jours. « L’enquête va déjà s’attacher à poursuivre les auditions pour déterminer, bien évidemment, la suite que nous réserverons aux gardes à vue en cours », précisait encore, vendredi soir, le procureur de Paris François Molins.

Une première priorité se dégage : trouver Hayat Boumeddiene, une jeune femme de 26 ans, qui fait l'objet d'un avis de recherche. « La compagne d’Amedy Coulibaly n’est toujours pas interpellée », rappelle en effet le procureur. Or, cette dernière pourrait avoir joué un rôle auprès de son mari, qui a revendiqué avoir ouvert le feu jeudi sur des agents de police municipaux à Montrouge (sud de Paris), causant la mort d’une agente, avant d’être abattu le lendemain porte de Vincennes dans un magasin cacher où il s’était retranché avec des otages, parmi lesquels il a fait quatre victimes.

Ensemble jeudi soir avant l'attaque d'un magasin cacher ?

En temps envisagée, la présence de Hayat Boumeddiene sur les lieux de la prise d'otages, aux côtés de son conjoint, n'est finalement pas avérée. Mais selon une source proche de l'enquête citée par le journal Le Parisien, le couple a été vu dans Paris ensemble jeudi dans la soirée, c'est-à-dire après la fusillade. Des témoins les auraient vus se faire déposer par un taxi dans Paris. « Ils ont a priori passé la nuit ensemble », dit la source du Parisien. Amedy Coulibaly aurait utilisé un véhicule au nom de sa compagne, relatent plusieurs médias.

Selon Céline Berthon, secrétaire générale du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) invitée sur RFI ce samedi matin, la capture de Hayat Boumeddiene est désormais une urgence nationale. Son signalement : la jeune femme a les cheveux longs et un visage enfantin ; elle porte le voile intégral. Selon le journal Le Parisien, elle a dû renoncer à un emploi de caissière pour cette raison. Un appel à témoins a été lancé.

Mariée religieusement sans assister à la cérémonie

Le procureur de Paris a précisé vendredi que l'examen des activités téléphoniques de Hayat Boumeddiene et de la compagne de Chérif Kouachi, Izzana Hamyd - qui se trouve actuellement en garde à vue -, a permis de déterminer qu’elles avaient échangé entre elles « plus de 500 appels sur l'année 2014 », un lien « constant ». Autrement dit, les couples sont très proches.

Hayat Boumeddiene a épousé Amedy Coulibaly en 2009 - religieusement mais non civilement, précise le site internet du quotidien Le Monde. Elle n’était pas présente à son mariage, son père la représentant seul. Membre d'une fratrie de sept enfants, elle est présentée comme une ancienne adolescente turbulente devenue « épouse dévote » par le quotidien du soir. Sa mère est décédée en 1994, selon Le Parisien.

Hayat Boumeddiene en 2010 : Amedy « aime bien s'amuser »

Selon Le Monde, des rapports de la sous-direction antiterroriste (SDAT) indiquent que Chérif Kouachi, Amedy Coulibaly et Hayat Boumeddiene se fréquentaient déjà en 2010. Alors que les deux hommes se rendaient régulièrement dans le Cantal, pour rendre visite au salafiste de la mouvance takfir Djamel Beghal (assigné à résidence après sa condamnation pour terrorisme), Hayat Boumeddiene est elle-même allée dans le Cantal plusieurs fois (deux fois, dit-elle à la police en 2010). C’est là-bas que des photos du couple, d'Amedy au côté de son mentor et de Hayat seule, une arbalète à la main, ont été prises. La jeune femme aurait pu poser quelques questions à Djamel Beghal depuis une pièce à part, religion oblige, dit-elle.

Face à la police, en 2010, Hayat Boumeddiene déclarait : « Amedy n'est pas vraiment très religieux. Il aime bien s'amuser, tout ça. Il n'est pas du genre à se balader tout le temps en kamis, la tenue traditionnelle musulmane masculine, etc. (…) Normalement, c'est une obligation pour les hommes d'aller à la mosquée le vendredi à la prière. Amedy, il s'y rend selon son emploi du temps, mais je dirais qu'en gros, il y va toutes les trois semaines… » Vendredi, le jeune homme s'est finalement revendiqué du groupe Etat islamique, justifiant ses actes par l'intervention de la France en Irak et au Sahel. Il dit s'être coordonné avec les frères Kouachi, se chargeant de son côté de tuer des policiers.

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■ Un troisième homme au siège de Charlie Hebdo ?

Un éventuel troisième homme pourrait avoir accompagné les frères Kouachi jusqu'à la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo mercredi, et serait reparti aussitôt en scooter. Les forces de l'ordre travaillent toujours sur cette hypothèse et ont la certitude que ce possible troisième homme n'était pas Amedy Coulibaly, pas plus que le jeune lycéen qui s'est rendu à la police de Charleville-Mézières mercredi soir et a été relâché depuis.

Au total, cinq personnes sont toujours entendues par les enquêteurs sous le régime de la garde à vue. Seize personnes ont été placées sous ce régime depuis le début des enquêtes, désormais regroupées. Parmi les questions que se posent les enquêteurs : des proches des jihadistes peuvent-ils passer à l'acte ? Mais aussi : outre leurs kalachnikovs, comment les frères Kouachi ont-ils pu se procurer et financer leur arsenal, et notamment le fusil mitrailleur Scorpio, arme particulièrement puissante et rare, dont ils disposaient ?

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