Ebola: «On peut espérer à moyen terme un traitement et des vaccins»

Ebola, c'est « Le » titre de la presse française, ce vendredi 17 octobre, qui oscille entre inquiétude et messages rassurants des autorités. Christian Bréchot, directeur général de l'Institut Pasteur, revient sur les dernières mesures prises pour éviter la propagation, et sur l'évolution des traitements.

RFI : Dès demain, les passagers en provenance de Guinée auront droit à un contrôle sanitaire à leur arrivée à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. C’est la mesure phare annoncée par le gouvernement français. Cela concerne environ un vol par jour. Est-ce suffisant ?

Christian Bréchot : Le contrôle à l’arrivée à l’aéroport n’est absolument pas une mesure qui élimine définitivement le risque de transmission, mais c’est une mesure de plus pour renforcer la sécurité sanitaire. De mon point de vue, je trouve que c’est une mesure logique. Nous avons une épidémie très grave en Afrique, vraiment très grave, qui touche plusieurs pays. Malgré la mobilisation internationale qui, il faut le dire, se met quand même en place, cette épidémie est en train d’entraîner des dégâts majeurs en Afrique. Malheureusement, cela veut également dire qu’il y aura forcément quelques cas dans des pays en Europe et aux Etats-Unis. En France, nous avons pour l’instant uniquement des cas suspects, mais nous n’aurons pas d’épidémie d’Ebola sur le territoire. Le problème, encore une fois, se situe par son ampleur en Afrique.

La mobilisation internationale commence à se mettre en place. On a quand même l’impression qu’il y a eu au minimum du retard à l’allumage. Pourquoi n’a-t-on pas déjà investi plus contre ces fièvres hémorragiques ces dernières années ? Ebola n’est pas né cette année.

C’est une très bonne question, ça fait partie de sujets de recherche qui ont été un peu délaissés dans un certain nombre de pays parce qu’on avait l’impression, à tort, que ça touchait peu de personnes. L’institut Pasteur a bien sûr continué à travailler dessus, mais au niveau mondial c’est vrai qu’il y a eu une sous-estimation de l’importance de continuer à travailler sur ce type de maladie.

Vu son expertise bien sûr, c’est votre institut qui, en France, est chargé d’analyser les prélèvements sanguins sur les patients qui pourraient être contaminés. Vous êtes donc plutôt au bout de la chaîne. Les procédures mises en place par les autorités sont-elles au niveau de la menace ?

Actuellement, la réponse est positive. Entre le moment où le président des Etats-Unis ou l’ONU, l’OMS, décident de mettre en place une grande action, il y a un problème de coordination malheureusement sur le terrain. Mais les annonces qui ont été faites sont de bonnes annonces. Au niveau français, les mesures de sécurité qui sont annoncées par la ministre de la Santé et son administration sont des mesures logiques. Il y a une vraie prise de conscience, mais cela n’empêche pas que nous vivons une époque de menaces, que ce qui se passe encore une fois en Afrique est très grave. Et par ricochet, ce qui est arrivé aux Etats-Unis montre à quel point on doit avoir une sécurité sanitaire la plus forte possible.

Justement, au regard de ces cas importés d’Afrique, les Etats ont-ils cette fois pris conscience du problème à sa juste mesure ?

Je dirais que la réponse est plutôt positive. Je suis actuellement en Chine, et un pays comme la Chine prend extrêmement au sérieux l’épidémie d’Ebola.

La totalité des pays la prend désormais au sérieux. On peut effectivement regretter qu’il y ait une prise de conscience peut-être un peu tardive mais, en tout cas, actuellement il y a une véritable lutte au niveau mondial contre cette épidémie. Ça, c’est un fait.

Il y a des traitements expérimentaux qui ont fonctionné visiblement le mois dernier sur cette volontaire française qui a été traitée lors de son rapatriement à Paris. Cela veut-il dire que l’on peut espérer un vaccin à plus ou moins long terme et si possible à court terme ?

Ce qu’on peut dire, c’est qu’il faut d’abord être prudent parce que les traitements ont été testés sur un petit nombre de personnes, dans des contextes où il y a beaucoup de paramètres qui interviennent y compris l’efficacité des soins en France. Maintenant, cette situation est à mettre en comparaison avec l’efficacité qu’il y a en Afrique. Mais oui, il y a des indications encourageantes et la réponse est donc, là encore, positive. On peut espérer à moyen terme un traitement et des vaccins. Maintenant, la question c’est qu’on ne peut pas attendre ce moyen terme. Il y a des vaccins qui sont en cours de phase 1, c’est-à-dire qui sont en début d’évaluation sur le terrain.

Donc les choses s’accélèrent. Il y a des traitements antiviraux qui vont être évalués en Guinée par l’Inserm. L’institut Pasteur participera également à ces évaluations. Il y a beaucoup d’actions qui se mettent en place. Et pour moi, la réponse est que l’on peut espérer des traitements qui vont apparaître relativement rapidement, et même très rapidement par rapport aux procédures habituelles. Maintenant, cela n’empêche pas que l’épidémie, elle est là. Elle est tous les jours là en Afrique.

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