RFI : Avec ces derniers rebondissements judiciaires, comment se présente le retour de Nicolas Sarkozy ? Jusque-là, il voulait se présenter en sauveur face à la montée du Front National. Sa stratégie tombe-t-elle à l’eau ?
Martial Foucault : Effectivement, il y avait cette stratégie d’homme providentiel qui allait s’inscrire dans le débat pré-primaire de l’UMP. Cette affaire et d’autres qui sont à venir concernant Nicolas Sarkozy l’obligent quasiment à anticiper son retour, parce qu'au fond, il faut lier à la fois l’affaire actuelle avec une inculpation pour corruption active et puis l’affaire Bygmalion qui oblige un changement de stratégie. Le triumvirat composé de François Fillon, Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé l’oblige finalement à s’inscrire comme le candidat naturel de l’UMP. Et la contre-attaque, comme le soulignaient des quotidiens ce matin (jeudi 3 juillet), indique très clairement que Nicolas Sarkozy ne veut pas se laisser guider par les cadres de l’UMP.
Quelle est sa marge de manœuvre maintenant ? Est-ce qu’il va prendre la présidence de l’UMP ?
Là, il a tout simplement indiqué qu’il fallait attendre la fin de l’été. Il n’y a pas de surprise à attendre : il sera candidat à l’UMP. Est-ce qu’il va suffisamment obtenir de soutien au sein des militants de l’UMP ? La question est posée. On voit bien qu’il y a une grande gêne au sein de l’UMP sur la stratégie développée depuis hier par Nicolas Sarkozy. Pour le moment, il est trop tôt. Il faut véritablement voir si, avant la fin de l’été, d’autres instructions seront ouvertes, auquel cas l’accumulation des affaires risque de rendre très compliquée sa marche en avant vers 2017.
Oui, parce que ses ennuis judiciaires ne sont pas terminés pour lui. Sur l’affaire Bygmalion, hier soir (mercredi 2 juillet), il a botté en touche. Comment peut-il avancer avec cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête ?
Sur l’affaire Bygmalion, il y a quand même un élément à ne pas occulter trop vite, qui est qu’au fond c’est plutôt l’ancien président de l’UMP, Jean-François Copé, qui est en première ligne sur cette affaire. Je dirais qu’il sera forcément, à un moment ou à un autre, confronté à ses responsabilités en tant que candidat en 2012. Mais je dirais qu’au-delà de l’affaire Bygmalion, ce sont les autres affaires : les sondages de l’Elysée, l’affaire Tapie, l’affaire Karachi, le supposé financement libyen qui peuvent le conduire finalement, vis-à-vis de l’opinion publique et des militants de l’UMP, à ne pas apparaître comme l’homme providentiel dont la droite a besoin dans ce contexte très agité au sein du parti.
Face à cela, il y a des possibles candidats aux primaires qui pourraient se présenter pour la présidentielle de 2017. Comment est-ce que justement Nicolas Sarkozy peut contrecarrer les Juppé ou les Fillon qui voudraient être candidats pour la prochaine présidentielle ?
Là, il y a des éléments très intéressants. Au Cevipof, on regarde un peu ces questions sur les traits de personnalité des candidats à droite. Et très curieusement, on observe que Nicolas Sarkozy a encore une longueur d’avance par rapport à ce triumvirat. Alain Juppé ou François Fillon sont très en retrait sur des traits de personnalité. Qui a l’étoffe d’un homme d’Etat ? Nicolas Sarkozy est en tête. Peut-il défendre les intérêts de la France ? Là, on voit que Nicolas Sarkozy est encore devant François Fillon ou Alain Juppé. Je dirais qu’au sein de l’UMP, la figure que représente Nicolas Sarkozy lui donne quelques avantages. Est-ce que ce sera suffisant pour être le candidat naturel au sein de l’UMP ? Là, il faut voir comment tous les courants au sein de l’UMP voudront faire front pour un seul candidat ou faut-il vraiment jouer une guerre fratricide au sein du parti ?
Vous évoquez la position des militants UMP. Quel effet va avoir cette accélération du calendrier dans le retour de Nicolas Sarkozy sur ces militants UMP ? Est-ce que ça peut les souder ?
Les militants UMP ont aussi besoin d’avoir un programme, un projet de société porté par chacun des candidats et, aujourd’hui, aucun des candidats potentiels à cette primaire n’a vraiment avancé sur le terrain des idées. Donc si Nicolas Sarkozy doit se déclarer candidat à la fin de l’été, cela doit aller de pair avec aussi une vision, parce qu’on a parlé de son absence depuis deux ans. Ce qui est vraiment remarquable et qui doit nous interroger, c’est que son retour ne se fait pas sur le terrain des idées. Et briguer la direction du parti implique quand même de remobiliser les militants autour d’un projet politique vis-à-vis de 2017.