Couper l’électricité pour obliger les salariés à se déconnecter

Un récent accord dans le secteur du numérique en France va peut-être fournir l’occasion aux salariés de se « déconnecter » de leurs ordinateurs et téléphones intelligents sans encourir les foudres de leur encadrement. L’objectif consiste à respecter la durée légale de repos minimale de 11 heures par jour, ce qui est loin d’être toujours le cas, notamment pour les cadres.

Comment faire décrocher les salariés de leurs outils informatiques ? La question peut sembler saugrenue au pays des 35 heures, mais elle se pose en réalité de façon pressante au point de mener récemment à la signature d’un accord (Syntec, Cinov, CFE/CGC, Fieci, CFDT/F3C) dans le secteur du numérique où sont employées 910 000 personnes en France au sein de 80 000 entreprises.

 L’omniprésence coûte cher

Contrairement à ce que s’amuse à répandre notre distingué confrère d’outre-Manche, The Guardian, le salarié français n’est pas le pacha cossard que l’on croit. Le problème serait même inverse au point de devoir imposer via ce texte une sécurisation du « forfait jour », un dispositif censé garantir le droit à la santé et au repos des salariés en limitant le nombre de jours travaillés à 218/an. Le texte affirme même « l'obligation de déconnexion des outils de communication à distance » afin d’assurer le respect des durées minimales de repos (11 heures/jour et 35 heures/hebdo). Mais, entre le règlement et la réalité, l’écart est large.

Conséquence logique de la course à la performance et de la pression de la rentabilité, bien des employés des entreprises oeuvrant dans les nouvelles technologies croiraient signer leur arrêt de mort en quittant le bureau avant 21 heures. De même, ne pas répondre à un courriel dans les 5 minutes équivaut dans bien des entreprises à une coupable négligence. Y compris à minuit, en week-end ou en période de vacances…

Cette omniprésence coûte cher notamment en termes de santé et des entreprises ont pris conscience des conséquences désastreuses que pouvait avoir le surmenage sur leurs employés. Certaines vont jusqu’à éteindre les lumières, à 22 heures tout de même, pour forcer les plus accros à regagner leur domicile. Rien ne dit cependant que les plus zélés, une fois arrivés à la maison, ne vont pas reprendre leur dossier et bombarder leurs collègues de mails, histoire de bien faire savoir qu’ils sont encore au travail, eux.

Jusqu’à l’épuisement

Savoir décrocher et partant, se déconnecter ; il y a même des formations spécialement adaptées aux cadres pour aider les plus atteints à y parvenir. Peu susceptibles de passer pour des fainéants, des Allemands ont sauté le pas. Volkswagen a d’ores et déjà bloqué l’accès aux BlackBerry de l’entreprise entre 18h15 et 7 heures du matin à certains salariés. D’autres demandent à leur personnel de comptabiliser les heures de travail passées hors du bureau pour les intégrer dans le décompte hebdomadaire ou mensuel. On a même vu des badges d’accès neutralisés en dehors des horaires légaux.

Ces mesures existent, mais selon un représentant syndical, il n’y a pas « 1% des entreprises qui déconnectent les serveurs informatiques à partir de 20 heures ». Et même si cela se fait pour respecter les 11 heures de repos obligatoires, il reste encore 13 heures dans la journée ! De quoi travailler jusqu’à se consumer. Spécialiste de l'évaluation et de la prévention des risques liés à l'activité professionnelle, le cabinet Technologia estime que près de 3 millions de salariés français seraient en situation de risque élevé de burn-out, soit 7 à 8% des actifs.

 

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