Le prestigieux hôtel parisien Lutetia se refait une beauté

Ouvert en 1910, l’hôtel de luxe parisien Lutetia ferme ses portes pour trois ans afin de permettre d’importants travaux estimés à environ 100 millions d’euros. Cette rénovation s’inscrit dans la tendance actuelle d’un secteur qui vise à satisfaire une clientèle de plus en plus riche et exigeante.

Lieu chargé d’histoire, la petite comme la grande, la gaie comme la sinistre, le Lutetia - l’un des fleurons de l’hôtellerie parisienne - ferme ses portes ce lundi pour se refaire une beauté. Erigé il y a 104 ans, le grand hôtel de la rive gauche situé au carrefour du boulevard Raspail et de la rue de Sèvres, métro Sèvres-Babylone, ne rouvrira pas avant le printemps 2017, après avoir subi une remise à neuf qui devrait lui permettre d’accéder au rang de cinq étoiles avant de briguer peut-être le statut de palace, label dont seuls six établissements peuvent s’enorgueillir à l’heure actuelle à Paris (1). Coût de la facture : autour de 100 millions d’euros.

Tendre vers l’excellence

Cette rénovation s’inscrit dans la tendance du moment qui oblige les établissements les plus prestigieux à s’aligner sur la concurrence de nouveaux venus très haut de gamme (Shangri-La, Mandarin Oriental, Peninsula) afin de satisfaire une clientèle de plus en plus riche et exigeante. Ces dernières années ont ainsi vu le Meurice, le Bristol, le Fouquet’s et le George V procéder à des réaménagements plus ou moins importants. Le Ritz et le Crillon suivent le mouvement et sont encore fermés pour de longs mois, également pour cause de rénovations. « C’est un peu une mise en cale puisque l’on a coutume d’appeler le Lutetia, "le grand paquebot de la rive gauche" », admet Jean-Luc Cousty, le directeur général du Lutetia.

Plus que centenaire, ce luxueux établissement redécoré en 1985 par la couturière Sonia Rykiel va subir de profondes modifications. « Nous allons procéder à des rénovations pour la décoration mais aussi au niveau des installations techniques, comme la plomberie qui est d’époque, l’air conditionné qui a 25 ans et le réseau informatique », détaille Jean-Luc Cousty. « Et puis nous avons beaucoup à faire aussi sur l’accessibilité », poursuit-il. « Nous allons passer de sept ascenseurs à l’heure actuelle à une vingtaine, en comptant les monte-charges, une fois les travaux terminés ». Conséquence directe et voulue, le prix moyen de la nuitée devrait doubler pour passer d'environ 250 à 500 euros.

« Le but, précise le directeur général, est effectivement d’accéder au statut cinq étoiles et cela implique obligatoirement la création de nouveaux services, comme un spa avec piscine par exemple. C’est devenu indispensable, si l’on veut rester dans la compétition vis-à-vis de la clientèle étrangère ». Par souci de confort, les chambres vont être agrandies. Au lieu de 231 à l’heure actuelle, dont 60 suites, l’hôtel en comptera une quarantaine de moins lors de la réouverture, au printemps 2017. « Nous sommes les seuls de cette capacité sur la rive gauche », rappelle Jean-Luc Cousty.

L’atout rive gauche

La rive gauche, c’est d’ailleurs l’atout principal que met en avant l’hôtel pour séduire sa clientèle française et étrangère. Le cœur de cible du Lutetia ? Avant tout les Américains et les Sud-Américains, particulièrement les Brésiliens. « Les Américains ont beaucoup fréquenté le Lutetia dès le début et notamment les Américains qui travaillaient dans le monde de la littérature », précise Jean-Luc Cousty. « Ce sont des personnes qui connaissent l’esprit de la rive gauche. Cela ne veut pas dire que nous ne ferons pas des démarches pour développer la clientèle russe ou chinoise mais on voit bien qu’eux, leur objectif, c’est plutôt ce que l’on appelle le Triangle d’or (Champs-Elysées, avenue George V, avenue Montaigne, ndlr) ».

Tendu vers la modernité mais solidement ancré dans la tradition, le Lutetia new-look reviendra à ses origines pour la décoration en mettant plus l’accent sur le style Art nouveau, que sur le style Art déco qui prédominait dans sa configuration actuelle. La transformation a d’ailleurs été confiée à un cabinet d’architecture français, celui de Jean-Michel Wilmotte. Des enchères organisées par Pierre Bergé & Associés en collaboration avec la maison de vente Métayer auront lieu dans les locaux du 45 boulevard Raspail du 19 mai au 25 mai prochain. Elles concerneront le mobilier, les œuvres d’art sans oublier les 8 000 bouteilles, dont de nombreux crus classés, qui dorment dans la cave. Auparavant, tous les objets Art déco seront exposés au public du 16 au 18 mai sur place.

Outre le coût financier, cette rénovation a également un coût social mais un plan de sauvegarde de l’emploi concernant les 211 employés de l’hôtel a été soumis en septembre au ministère du Travail qui l’a homologué. La très grande majorité des employés continuera à travailler dans l’hôtellerie de luxe à Paris durant les travaux. Le Lutetia précise d’ailleurs que la rénovation entraînera de nombreuses créations de postes. L'hôtel table en effet sur un effectif de 347 personnes à la réouverture, selon les chiffres communiqués par la direction. Habituée des lieux, Barbara Hendricks a donné un récital privé dans l'un des salons du Lutetia la semaine dernière, en guise d'au revoir. Comme celui de Joséphine Baker avant elle, autre ancienne hôte de prestige, le cœur de la cantatrice américaine balance entre deux amours : son pays et Lutèce.

(1) Les six palaces parisiens : le Bristol, le Plaza Athénée, le Royal Monceau, le George V, le Meurice et le Park Hyatt Vendôme

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