Ce lundi 24 mars au matin, la ville d’Avignon s’est réveillée avec un candidat du Front national en tête après le premier tour des élections municipales. Le successeur désigné de la maire actuelle, Marie-Josée Roig (UMP), est sorti avec 20,91 % des voix, affaibli par des querelles internes. L’écart du candidat frontiste Philippe Lottiaux avec la candidate du Parti socialiste Cécile Helle est minime (29,63 % contre 29,54 %), mais le symbole est très fort pour cette ville emblématique pour la culture.
L’Avignon de la Culture est sous le choc. Olivier Py qui vient de présenter l’édition 2014 du Festival (du 4 au 27 juillet) est arrivé à une décision simple : « Je ne vois pas comment le festival pourrait vivre, a-t-il déclaré lundi matin sur France Info, défendre ses idées qui sont des idées d’ouverture, d’accueil de l’autre. Je ne vois pas comment le festival pourrait vivre à Avignon avec une mairie Front national. Je ne me vois pas travailler avec une mairie Front national. Cela me semble inimaginable. Donc je pense qu’il faudrait partir. »
Les quartiers sensibles
Vendredi dernier, lors de la présentation du Festival à Paris, Olivier Py savait déjà que son nouveau poste lui réclamera beaucoup plus qu’un engagement artistique. Mais, à ce moment-là, il pensait plus aux attaques du patronat contre les indemnisations des intermittents du spectacle. En 2003, la grève des intermittents avait provoqué l’annulation du Festival et une catastrophe économique pour la ville. En tant que directeur de la 68e édition, Py évoquait plusieurs fois l’importance du travail artistique et pédagogique avec la population et les quartiers sensibles qui se sentent délaissés, mais à aucun moment il s’attendait à la possibilité d’un maire frontiste. « C'est une ville profondément internationale, multiculturelle. Elle a toujours été à la fois l'Italie, l'Espagne, le Maghreb. Toute la Méditerranée est réunie là et je ne peux pas penser que cette ville un jour soit sous l'égide du Front national. »
Une semaine avant le deuxième tour ce dimanche 30 mars, Olivier Py est déjà en train de chercher des alternatives. En même temps, il est conscient que l’expérience des luttes précédentes contre les frontistes montre des limites. Interrogé par France Info sur l’exemple des Chorégies d’Orange qui avaient refusé dans les années 1990 la subvention de la mairie FN, il répond : « Ça pourrait être une solution, refuser la subvention et que le festival d’Avignon soit strictement national. Mais ça me semble, dans le cas d’Avignon, techniquement un peu plus difficile, car ce n’est pas seulement un seul lieu, c’est toute la ville qui devient le festival et le festival représente toute la ville ».
« On a laissé place libre au Front national »
Une chose est sûre, ce comédien, metteur en scène, directeur de théâtre et maintenant du Festival d’Avignon est un artiste engagé. D’emblée, Olivier Py a annoncé de vouloir combattre les presque 42 % d’abstention au vote dimanche dernier : « On a laissé place libre au Front national ». Dans le passé, Py a montré qu’il est toujours prêt à se battre pour ses idées : en 1995, à côté d’Ariane Mnouchkine, il avait entamé une grève de la faim pour réveiller et sensibiliser la conscience occidentale par rapport au drame bosniaque de l’époque. Plusieurs fois, il est publiquement intervenu pour aider des sans-papiers et il a pris position en faveur du mariage pour tous en France. Avec les idéaux d’ouverture du Festival d’Avignon, Olivier Py défend aujourd’hui une certaine idée de la France, menacée par la poussée du Front national.