RFI : Quelle est la situation de la France dans tout ce panorama européen ?
Françoise Brié : Les taux pour la France sont dans la moyenne supérieure. Ca veut simplement dire que les violences en France sont toujours aussi prégnantes. On le voit aussi sur les taux d’homicide puisqu’on a une femme qui meurt tous les deux jours de violence conjugale dans notre pays.
On a encore beaucoup de progrès à faire, en particulier sur les mentalités et sur le fait que notre pays est encore un pays patriarcal avec des stéréotypes très ancrés dans les mentalités. Ca concerne aussi les relations au sein du couple, donc des relations qui sont souvent basées sur des inégalités, en tout les cas dans les couples où il y a de la violence.
Patriarcal, cela implique-t-il que certaines violences sont tues ? On se rend compte qu’il y a une difficulté sur les déclarations de ces violences ?
C’est vrai aussi qu’on remarque que les « nouveaux » pays de l’Europe ont des taux de déclaration de violences qui sont peut-être inférieurs à ceux de pays nordiques ou ceux de la France, mais il faut aussi rapprocher cela probablement des campagnes de communication, des efforts qui ont été faits dans ce sens.
C’est vrai qu’en France, de plus en plus de femmes osent sortir du silence, parler de ces violences. Elles peuvent aussi être amenées dans ce type d’enquête à parler beaucoup mieux de ces violences, en tout cas à les dévoiler plus facilement. Mais on reste quand même au regard de ce qui est déclaré par les femmes dans nos associations en particulier avec des taux de violences extrêmement importants.
On voit également que la crise économique a probablement un impact avec des situations de femmes qui mettent beaucoup plus de temps à sortir des violences du fait de l’absence d’autonomie, de l’absence de ressources. Ce qui fait qu’on arrive à des situations qui peuvent être dramatiques, aussi du fait de l’aggravation de leurs conditions socio-économiques.
Dans ces conditions, il y a d’autres facteurs qui peuvent dans certains cas contribuer à ces violences. Vous pointez en particulier l’alcoolisme...
L’alcoolisme, ce n’est pas la cause des violences. C’est un facteur aggravant dans la mesure où l’alcool favorise le passage à l’acte dans les situations les plus graves. On sait très bien que l’alcool est un désinhibiteur, comme d’autres produits stupéfiants. Dans ces situations, évidemment il y a beaucoup plus de violences. Et c’est vrai que nous sommes toujours très alertés lorsqu’il y a une addiction de la part de l’auteur dans un couple, c’est pour nous un signal rouge.
Ca peut être aussi une addiction de la part des femmes qui, parfois, sont amenées à utiliser des produits pour supporter la violence. Donc quand les deux, auteurs et victimes, utilisent des produits stupéfiants ou avec une dépendance à l’alcool, on sait que ça peut être un facteur de grave dangerosité en tous les cas de ces situations, avec parfois des homicides au bout de ces violences.
Est-ce qu’il y a, face à l'alcoolisme, suffisamment de moyens et de volonté de la part des autorités ?
Il faudrait déjà renforcer les études sur alcool et violence, dépendance et violence, quelles sont les conséquences des violences en particulier en matière de dépendance chez les femmes puisqu’on le voit, nous aussi, dans nos structures. Effectivement, il faudrait travailler sur la question de l’alcool pour les auteurs de violence. On a, en France, des efforts à faire en ce sens et peut-être effectivement d’approfondir toutes ces enquêtes qui nous permettraient derrière d’avoir des actions beaucoup plus pertinentes à cet égard.