«La Vénus à la fourrure» du manipulateur Roman Polanski

Roman Polanski est à nouveau en salles avec la coproduction franco-polonaise La Vénus à la fourrure. L’adaptation de la pièce de théâtre à succès de l’Américain David Ives a été elle-même tirée du célèbre roman de Sacher-Masoch, le fondateur du sadomasochisme. Le film, annoncé sulfureux, soigne la forme et se perd sur le fond.

C’est un film qui ne laisse pas indifférent : Roman Polanski fait jouer sa propre femme Emmanuelle Seigner à côté d'un Mathieu Amalric qui ressemble de plus en plus à un jeune Polanski qui, à son tour, sera piégé (le personnage d'Amalric, pas Polanski !) par sa propre perversion dans un jeu sado-maso avec la fille qu'il auditionne.

Le tout est pensé, mis en scène et filmé par un réalisateur toujours recherché par Interpol pour un viol avec sodomie perpétrée en 1977 sur une jeune fille de 13 ans. D'un  autre côté, l’œuvre d’un réalisateur palmé, cela ne se refuse pas.

Fouets et humiliations

Le film commence avec un coup de tonnerre. On se trouve dans un boulevard parisien, il pleut des cordes, soudain il y a ce théâtre où des mains invisibles nous ouvrent les portes. Il est tard, l’audition pour la pièce La Vénus à la fourrure est déjà terminée. Thomas, le metteur en scène, est en train de partir, arrive alors Vanda. La comédienne insiste et réussit à passer, quand même, l’audition pour cette pièce peuplée de fouets et humiliations, écrite par le père du sadomasochisme.

Les conditions du tournage du film ont largement influencé le résultat. Enfermé pendant douze heures par jour dans un théâtre entièrement reconstitué, le film a été tourné avec une seule caméra (« Il n’y a pour moi qu’un seul ‘meilleur angle ‘ », dixit Polanski). À l’écran, ce huis-clos brille par sa rigueur et sa délicatesse dans les rebondissements dramatiques. On y trouve ce que Polanski réussit le mieux : la perversion, le malsain et la cruauté du destin. Emmanuelle Seigner découvre avec la vulgaire et surprenante Vanda un rôle taillé à sa mesure et Mathieu Amalric est beaucoup mieux dirigé que dans Jimmy P.. Le metteur en scène Thomas, parti pour donner les répliques à la femme auditionnée, se retrouve soudainement dirigé par la comédienne, qui semble tout savoir sur sa vie et ses désirs tout en critiquant ouvertement la pièce comme « sexiste ». 

Une « satire du sexisme » ?

Polanski présente son film comme une « satire du sexisme », voire « féministe ». Des déclarations très relatives quand on sait qu’il a tenu lors de la conférence de presse au Festival de Cannes des propos d’une tout autre nature : « L’égalité des sexes chasse le romantisme de nos vies. Je pense que cette tendance à vouloir mettre les hommes et les femmes à égalité est purement idiote. Je pense que c’est le résultat des progrès de la médecine. La pilule a beaucoup changé les femmes de notre temps, en les masculinisant. »

Dans la pièce, Polanski manipule avec la virtuosité qui le caractérise beaucoup de citations de sa propre œuvre, comme la veste de velours qui renvoie au Bal des vampires ou une robe qui fait penser à Tess. Malgré ce feu d’artifice artistique, à la fin, on n’est pas convaincu de la nécessité de transformer cette pièce de théâtre en un film sous forme de huis clos théâtral qui semble surtout être au service d’Emmanuelle Seigner. Plus que la relation entre le metteur en scène et la comédienne, Polanski semble explorer les rapports de domination et soumission qu’il entretient avec sa propre femme devant sa caméra. La phrase de la comédienne qui a fait beaucoup rire la salle à Cannes - « Le sadomasochisme, je connais, je travaille au théâtre ! » - se révèle alors comme un malicieux écran de fumée. Évidemment, Roman Polanski n’a pas fini de nous manipuler.

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