Santé : la guerre au moustique est déclarée

Des chercheurs américains ont trouvé une nouvelle parade contre les moustiques : une molécule qui inhibe leur odorat et rend ainsi les humains « invisibles » à leurs appétits. Cette découverte s’ajoute à l’arsenal déjà mis en œuvre pour combattre un insecte responsable de centaines de milliers de morts par an dans le monde.

Non content d’être le perturbateur en chef de nos nuits d’été - ce qui serait déjà suffisant pour qu’on le maudît - le moustique est avant tout un ennemi mortel pour l’homme. Assoiffée de sang, aliment qui lui fournit un apport immédiat en protéines dont elle a besoin pour nourrir sa progéniture, le moustique femelle (le mâle ne pique pas) est même – de très loin – l’animal qui provoque le plus de morts humaines sur Terre car elle transmet des maladies qui peuvent être fatales, comme le paludisme, la fièvre jaune ou la dengue.

Inodore donc invisible

Au total, on évalue à 2 millions par an dans le monde le nombre de personnes qui succombent à une maladie ayant eu pour vecteur le moustique. Et à plusieurs centaines de millions celles qui souffrent d’une maladie contractée à cause de ces insectes. A titre d’exemple, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) estime à 120 millions le nombre de personnes qui souffrent de la filariose (1) dans le monde. C’est donc avec beaucoup d’espoir qu’a été accueillie l’annonce faite à Indianapolis début septembre par une équipe de chercheurs américains de la découverte d’une molécule qui rendrait les humains « invisibles » aux moustiques, ou plus précisément inodores.

Les moustiques femelles sont attirées en particulier par le CO2 (ou dioxyde de carbone) et par certains acides gras produits par la peau et la transpiration, comme l’acide lactique. Et c’est en repérant ces molécules grâce leur odorat qu’elles choisissent leurs proies, ce qui explique que certaines personnes, au métabolisme ou aux habitudes alimentaires différents, attirent moins les moustiques que d’autres. Ce que les chercheurs américains ont réussi, c’est justement à reproduire une molécule sécrétée par la peau de ces individus qui ne sont jamais importunés par les moustiques.

« Nous explorons une approche différente de celle des répulsifs, avec des substances qui altèrent l’odorat du moustique », a expliqué à la BBC le Dr Ulrich Bernier, auteur de recherches pour le ministère américain de l’Agriculture. « Si un moustique ne peut pas sentir que " le repas est prêt ", précisait-il, il ne viendra pas voler autour de vous, ni se poser sur vous, ni vous piquer ». « Et si vous mettez votre main dans une cage pleine de moustique après que nous ayons employé ces inhibiteurs, ajoutait-il, aucun ne va bouger ni même s’apercevoir qu’il y a une main, là, à l’intérieur ». Reste désormais à mettre le produit à la disposition du plus grand nombre, s’il s’avère aussi efficace qu’annoncé.

Toujours aux Etats-Unis, Olfactor Laboratories, une société basée en Californie, a mis au point un patch supposé tenir les moustiques à l’écart, sachant que leur odorat est suffisamment puissant pour détecter la présence d’une proie à plus de 500 mètres de distance. Les inventeurs du patch, qui ont obtenu un financement auprès de la Fondation Bill and Melinda Gates et de l’Institut américain pour la santé, mènent actuellement des tests en Ouganda, l’un des environnements les moins propices à la lutte anti-moustique. Si les tests s’avéraient concluants, le patch, de la taille d’un timbre-poste, pourrait être commercialisé aux USA dès l’année prochaine.

De la moustiquaire au drone

Ces récentes découvertes seraient les bienvenues à l’heure où certains répulsifs comme le diéthyltoluamide (ou DEET) sont de plus en plus décriés car ils produisent des effets indésirables sur les systèmes nerveux des mammifères. Pour l’heure, les insecticides, qu’ils soient bio ou chimiques, restent néanmoins les plus sûrs moyens d’éloigner les prédateurs volants. Ainsi, de nouvelles moustiquaires de lit imprégnées d’insecticide viennent d’être testées avec succès en Papouasie-Nouvelle Guinée, région où sévit en particulier la filariose.

En Floride, on a choisi au contraire d'opter pour l’artillerie lourde. Désireuses de débarrasser l’archipel des Keys des moustiques, les autorités locales ont testé l’été dernier des drones équipés de caméras. Ces engins utilisés d’habitude dans la lutte antiterroriste sont capables de repérer des poches d’eau où les insectes pondent leurs œufs et de les asperger ensuite d’insecticide. La faculté des moustiques à s’immuniser peu à peu contre les pesticides de toute sortes rend néanmoins beaucoup plus séduisante l’idée de la molécule « invisible » et du patch inodore.

(1) la filariose est une infection du système lymphatique provoquée par des vers minuscules qui sont eux-mêmes transmis par piqûres de moustiques

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