Le Tour de France en Corse, le Grand Départ d’une nouvelle image culturelle

La culture corse ? Tapez les deux mots dans un moteur de recherche et vous obtenez le résultat « violence ». Aussi pour changer cela, il y a 130 œuvres artistiques qui accompagneront les coureurs cyclistes lors du Grand Départ du Tour de France en Corse. Reza, le photographe français d’origine iranienne, expose ses photographies en grand format sur les murs historiques de trois villes de la Grande Boucle : Bonifacio, Corte et Bastia. Entretien avec Paul Giacobbi, le président de la collectivité territoriale de Corse.

En quoi consiste le défi culturel de ce Grand Départ du Tour de France qui aura lieu ce samedi 29 juin en Corse ?

Le Tour de France est une image. Une image où l’on verra la Corse dans le monde entier. Pour cela, j’ai demandé à Reza de faire une exposition avec des photos qui sont connues dans le monde entier, avec une résonance de New York à Tokyo. Ici, il expose dans des sites prestigieux de Corse. Ce n’est donc pas le Rockefeller Center de New York, mais la Citadelle de Corte, la Citadelle de Bastia et la Citadelle de Bonifacio. Cela donne une ouverture de la Corse sur le monde. Et puis il y a, d’une certaine manière, des résonances entre certaines montagnes d’Asie, y compris d’Afghanistan, et la Corse.

Avez-vous préféré l’esprit multiculturel des œuvres photographiques de l’artiste iranien Reza au patrimoine corse comme les chants polyphoniques ?
 
À l’occasion du Tour de France, nous montrons la Corse, ses paysages, ses cultures. C’est aussi une occasion de montrer l’art en Corse, le fait que la Corse soit une image du monde entier et réciproquement. L’œuvre de Reza est humaniste et universaliste, respectueuse des cultures et des identités de chaque territoire, des libertés et des distances. D’une certaine manière, elle collait parfaitement avec la Corse.

L’exposition est intitulée « Fenêtres de l’âme : Rencontres, Résistances, Insouciances ». Ce sont des mots avec lesquels les habitants de Bonifacio, Corte et Bastia peuvent facilement s’identifier ?

Oui, mais nous ne sommes pas l’Afghanistan. Nous sommes une terre sans invasion, une terre qui n’est pas sans révolte, mais il faut savoir raison garder. L’identité de la Corse est bien moins menacée que celle du Tadjikistan. Nous sommes une terre de liberté. Nous vivons dans une grande démocratie. Il ne faut pas faire d’assimilation stupide. En revanche, il y a en Corse un esprit d’identité qui est fort et qui doit être respecté.

Fin avril, après le dixième assassinat en Corse depuis le début de l’année, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, déclarait qu’il existe une « violence enracinée depuis des décennies dans la culture corse ». A-t-il raison ?

Honoré de Balzac est venu [en mars1838, ndlr] en Corse pendant douze jours. Il a écrit : « La Corse est une île française, chauffée par le soleil d’Italie, où tout bout comme dans une fournaise, et où les gens passent leur temps à s’entretuer, de père en fils, à propos de rien ». Voilà. Malheureusement, il y a une part de la Corse qui est violente. Elle est marginale, dangereuse, elle n’est pas représentative de la population corse qui est pacifiste et légaliste, mais la grande criminalité en Corse existe. Et cette grande criminalité est une plaie ouverte de la Corse, une plaie gangrénée contre laquelle il faut combattre. Les Corses ne sont pas culturellement violents, heureusement, mais il y a une part marginale de la population corse qui s’adonne à la grande criminalité et cela il faut le combattre avec beaucoup de détermination.

Le Tour de France figure parmi les événements les plus médiatisés au monde. Quelle image culturelle de la Corse espérez-vous obtenir après le Tour ?

L’image de la Corse qu’on aura dans le monde, c’est d’abord pouvoir situer la Corse dans le monde. A titre de comparaison, je dis souvent que les Européens ne savent pas où est le Pendjab ou le Bengale. Ce sont des régions du sous-continent indien avec des dizaines de millions d’habitants. Et les Indiens ou les Chinois ne savent pas très bien où est la Corse. Ils savent vaguement que Napoléon y est né, parfois ils ne savent même pas que c’est une île. Désormais, grâce au Tour de France, un peu partout, le milliard de téléspectateurs saura situer la Corse sur une carte. C’est déjà beaucoup. Deuxièmement, on verra les paysages de Corse, les monuments de Corse, un peu de la vie des Corses à travers des émissions de télévision, on verra de l’huile d’olive fabriquée en Corse. On fera passer un peu de la vérité. Voilà l’objectif.

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Fenêtre de l’âme : Rencontres, Résistances, Insouciances, exposition de Reza à l’occasion du Grand Départ du Tour de France dans Bonifacio, Corte et Bastia, jusqu’au 30 septembre.

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