« Istanbul United », l'alliance des supporters des trois clubs stambouliotes

Qu'ils soutiennent les clubs de Galatasaray, de Fenerbahçe ou de Besiktas, les supporters stambouliotes affichent leur union depuis le 31 mai. Même si ce sont les ultras de Besiktas qui se sont manifestés en premier lors des affrontements dans le parc Gezi, leurs homologues de Galatasaray et de Fenerbahçe leur ont rapidement emboîté le pas. Comme souvent, le football est au cœur de la contestation.

Souvent, le football et la politique sont intimement liés. Et encore une fois, les évènements qui se déroulent en Turquie ces dernières semaines le prouvent. Cette fois, ce sont les ultras du club de Besiktas qui se sont illustrés. Très tôt, ils ont rejoint le mouvement des protestataires opposés à la destruction des arbres et au projet de construction d’une caserne militaire dans le parc Gezi, au centre d'Istanbul.

Les ultras du club de Besiktas en première ligne

Pendant plusieurs jours dans le parc Gezi, des affrontements se sont déroulés entre les forces de l’ordre et les manifestants, réprimés à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Avec leur maillot à rayures noires et blanches, les supporters de Besiktas ont été les piliers de cette résistance.

Si le citoyen lambda n’a pas l’habitude des affrontements avec les forces de l’ordre, les ultras connaissent par cœur cette situation. Du coup, au lieu de fuir comme les autres, ils sont restés en portant des masques à gaz. « Cela a servi aux autres personnes qui ont commencé à rester aussi », explique à RFI une journaliste du service des sports de la télévision nationale turque. Les ultras ont expliqué aux manifestants comment se comporter face au gaz lacrymogènes. Ils ont construit des barricades et repoussé les assauts de la police.

Et bientôt, ce sont les supporters des deux autres clubs d’Istanbul, Fenerbahçe et Galatasaray, qui se sont ralliés aux ultras de Besiktas. « Je suis journaliste sportif depuis longtemps et de toute ma vie, je n’ai jamais vu les supporters des trois clubs côte à côte », raconte notre interlocutrice. Il y a deux semaines, les supporters de Besiktas ont posté un message sur Twitter à 19h03 en référence à la date de création du club, 1903. A 19h05, c’était au tour des supporters de Galatasaray de faire de même, et à 19h07, ce fut Fenerbahçe, toujours en référence à la date de création de ces institutions turques. Voilà comment les trois entités ont appelé à soutenir ensemble le mouvement. Mais depuis, cette union est un peu retombée.

« La solution, c’est Drogba »

L’union des supporters a même organisé un nouveau club « éphémère » baptisé sur Twitter « Istanbul United ». Mais cela va au-delà puisque les ultras des deux meilleurs clubs de la ville d'Izmir ont rallié ce mouvement (Karşıyaka et le Göztepe) en indiquant : « Nous aussi nous arrivons ». Souvent, le seul lieu où l'on peut exprimer son identité, son appartenance à un groupe, c'est le stade de football. Comme en Egypte avant la chute de Moubarak.

Mais les ultras de Besiktas sont désormais les seuls à rester en groupe et à dormir dans le parc. Leur mouvement, que l’on nomme Carsi, a déjà manifesté dans le passé son hostilité au nucléaire. Il y a deux ans, lors d’un tremblement de terre en Turquie, ils avaient aussi été les premiers à apporter de l’aide.

Aujourd’hui, aucun officiel des trois clubs n’a réagi à cette situation. Seuls quelques footballeurs étrangers comme Didier Drogba ont donné leur point de vue. L’international ivoirien a posté un message de soutien sur un réseau social pour afficher sa solidarité. Du coup, sur certains murs d’Istanbul, on a pu lire : « La solution, c’est Drogba ». Comme l’explique notre journaliste, ce qui caractérise ce mouvement qui désormais s'essouffle, c’est l’humour posté sur les réseaux sociaux ou les écrits sur les murs de la ville.

Une chose est sûre : désormais, les ennemis d’hier ne pourront pas oublier cette contestation et cette union sacrée qui en a étonné plus d’un. Les ultras des trois clubs stambouliotes, qui se vouent une haine sans nom, se sont mélangés à la jeunesse turque pour demander plus de liberté.

Mais ces ultras auront-ils encore en tête cette unité au coup d'envoi de la prochaine saison ? Quand le football reprendra ses droits, quelques slogans fraternels se feront peut-être entendre dans les tribunes des trois stades.

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