«La Grande Bellezza»: quelle beauté !

Paolo Sorrentino partage avec nous son amour pour Rome. Le réalisateur italien crée des images d’une beauté inouïe. La Grande Bellezza est une ode à la somptuosité et l’exubérance de cette ville, captée avec une sensibilité artistique exemplaire et originale. Un délice. Et en lice pour la Palme d’or au Festival de Cannes.

On sort de la salle complètement subjugué par la beauté éblouissante qui vient de se manifester à l’écran dans tous ses aspects : l’esprit, le goût esthétique, la joie de vivre, la volupté des sens, l’amitié, le paysage, la spiritualité… Naturellement, à aucun moment, il y est question de cinéma. Chez Paolo Sorrentino, la vie et le cinéma ne font qu’un : bellissimo !

La Grande Bellezza rend tout possible et visible : le sexe et le savoir, une girafe au milieu de vestiges et des flamands roses sur un balcon, un cardinal sur une balançoire et une nonne adepte de la chirurgie esthétique, un minestrone fait maison à côté d’une ligne de coke, et la naine n’est pas un joli accessoire pour fétichistes mal tournés, non, elle est la directrice du plus prestigieux journal de la ville et ne jure d’ailleurs que par une recette simple pour se réchauffer le soir : « une petite soupe et une bonne baise ».

Quand la caméra marche sur la tête

Tant mieux que la caméra marche parfois sur la tête. Ici, c’est dans l’ordre des choses. Tout commence avec un magnifique travelling à travers de la ville et une fête grandiose complètement déjantée : un kaléidoscope de corps libérés et de femmes tatouées qui s’exposent dans des vitrines. C’est l’anniversaire de Jep Gambardella. Toni Servillo incarne à merveille cet homme irrésistible et fin observateur de l’univers romain. Doté d’un charme fou et d’une intelligence débordante, Jep est l’auteur d’un roman mythique, L’appareil humain, écrit il y a 40 ans. Depuis, il s’est contenté de conquérir les femmes et d’être l’un des meilleurs journalistes du pays qui, de plus, ne quitte jamais sa bien aimée Rome. « Je voulais devenir le roi de la mondanité. J’ai réussi ». Mais depuis peu, sur sa terrasse qui domine le Colisée, Gambardella rêve d’écrire un deuxième roman. Mais c’est une lutte trop difficile contre la beauté paralysante de cette ville.

Sorrentino, Fellini et Scola

Bien sûr, Paolo Sorrentino s’inscrit dans la tradition et la folie de Roma et  La Dolce Vita de Fellini, de l’imaginaire d’Ettore Scola. Il est aussi beaucoup question de Gustave Flaubert pour aborder à la fois la quête de l’éternité et du néant dans cette ville mythique. Les paysages, les poses et la prose, tout est magnifié sous l’angle de la décadence et de l’échéance. Des scènes où l’art contemporain est ridiculisé à l’outrance sont des signes infaillibles que l’ère de La Grande Bellezza vient de se terminer. Une petite fille jette des pots de couleurs contre une toile et la performance d’une artiste nue, marteau et faucille sur le sexe, se résume à une tête cognée contre le mur d’un viaduc romain. Une époque sensuelle est en train de disparaître sans qu’on sache ce que viendra à sa place.

« Il nous reste encore de belles choses à faire. L’avenir est merveilleux » confesse à la fin un Jep Gambardella jusque-là nostalgique et cynique. Il est devenu croyant et conscient qu’il n’a plus le temps de faire des choses qu’il n’aime pas. 

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La Grande Bellezza sort ce mercredi 22 mai en salles en France.

 

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