Cela fait plus de dix ans que la France cherche une solution pérenne pour ses drones de longue endurance. Aujourd'hui, c'est dans l'urgence que Paris prévoit d'acquérir deux RQ-9 Reaper américains. Au début des années 2000, le programme Système de drones intérimaires moyenne altitude longue endurance (SIDM) avait conduit à l’adaptation par EADS d’un drone d’origine israélienne (Eagle) pour donner naissance au drone Harfang. Quatre appareils furent achetés et utilisés en Afghanistan depuis la base de Bagram, puis en Libye.
Au printemps 2011, le chef d’état-major de l’armée de l’air de l’époque, le général Jean-Paul Paloméros assurait au micro de RFI que, pour la France, « la Libye serait certainement la dernière guerre sans drones ». Mais entre la fin de l’opération Harmattan (2011) et le début de Serval (2013), aucune décision n’a été prise.
Peu après son arrivée à l’hôtel de Brienne, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, assurait qu’une décision serait prise pour juillet 2012. Empêtré dans des considérations politico-industrielles, le dossier fut repoussé. Sans surprise, l’opération au Mali, déclenchée en janvier 2013 a démontré une nouvelle fois, toute l’importance de l’observation et du ciblage dans les conflits qualifiés « d'asymétriques ». Des capacités, que la France ne possédait qu’en nombre limité.
Renforts au Niger
Les deux drones commandés seront destinés à « l'observation » assure le ministre de la Défense, mais le Reaper est en principe capable d'emporter des missiles et des bombes. (AGM 114 Helffire et GBU). Il s’agit du cheval de bataille de la CIA dans sa lutte contre al-Qaïda, dans la zone Afghanistan-Pakistan, mais aussi dans la Corne de l’Afrique et dans la zone sahélo-saharienne.
Les deux premiers appareils devraient être livrés avant fin 2013. Ces drones devraient donc rapidement se retrouver au Niger où sont déjà basés deux drones intérimaires Harfang achetés par la France dans les années 2000 et un certain de nombre de drones Reaper américains, la précieuse contribution du Pentagone à l'opération Serval.
« Comparer l’Harfang et le Reaper c'est comme comparer l'image d'un téléviseur noir et blanc à celle d'une télé numérique couleur », assurait récemment un haut responsable de l'armée française ayant planifié les opérations au Mali.
Discussions
Officiellement, la France discute, toujours avec les Etats-Unis et Israël afin d'élargir sa flotte d'avions sans pilote. Mais la commande de ces deux premiers drones laisse penser que le ministère de la Défense penche sérieusement pour la solution américaine. Si ce choix va satisfaire les utilisateurs opérationnels, cette option sera-t-elle compatible avec la volonté réaffirmée par le président François Hollande de « disposer de moyens d’appréciation et de décision autonome ? »
Employer des drones américains, c’est prendre le risque de voir leurs conditions d’utilisation limitées par les autorités américaines, voire de dévoiler les objectifs visés par l’armée française. Aujourd’hui, le Pentagone soutient la France dans son action au Mali, mais qu’en sera-t-il demain sur un autre théâtre d’opérations ? L’une des solutions retenues par le ministère de la Défense passerait donc par une « européanisation » de la machine en la dotant de capteurs et de systèmes électroniques français, allemands ou britanniques afin de gagner en autonomie vis-à-vis des Etats-Unis.