Monseigneur Podvin sur RFI: «Le pape François va aussi nous surprendre»

Le monde catholique a un nouveau pape. François a été élu par le conclave le 13 mars 2013 à la surprise générale. Archevêque de Buenos Aires, reconnu pour son action envers les pauvres, il impressionne déjà par sa grande humilité. Monseigneur Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France, analyse cette élection au micro de Frédéric Rivière.

RFI : Le monde catholique a donc un nouveau pape depuis hier soir. Il s’agit de monseigneur Jorge Mario Bergoglio, l’évêque de Buenos Aires. Est-ce que pour vous, comme pour tout le monde, c’est une totale surprise. Il était totalement inattendu ?

Mgr Bernard Podvin : C’est une totale surprise, c’est bouleversant. Il n’est pas totalement inattendu, diront les experts puisqu’en 2005, dans le conclave précédent, il avait déjà aussi marqué visiblement les cardinaux. Mais là, il faut le reconnaître, cela déjoue tous les pronostics : le Saint Esprit était vraiment à l’œuvre.

C’est une personnalité assez peu connue, en tout cas des non-spécialistes. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire de lui ?

Je le découvre. Je n’ai pas l’honneur de le connaître. Je le découvre déjà avec beaucoup d’émotion. Je constate quelqu’un qui rayonne, quelqu’un qui a une simplicité, une humilité dont tout de même hier soir sur la place Saint-Pierre, on pouvait déjà être le témoin. Il s’excusait presque d’être pape. C’est quand même impressionnant : il demandait la bénédiction sur lui avant de la donner. C’est quand même un heureux présage, c’est très beau. Ca en dit très long sur sa relation aux pauvres.

C’est quelqu’un qui visiblement ne s’encombre pas de fioritures. On dit que la vie est simple. On a aussi quelqu’un qui a un grand discernement, il est jésuite. Ce n’est pas anodin. Il a fait des études de psychologie, il sait ce qu’est la personne humaine et la conscience humaine, il connaît. Il a aussi pris des positions en faveur des pauvres. Il est aussi dans la ligne de Benoît XVI sur le plan sociétal. Ses positions sont claires. On a là un cardinal qui vient du Sud, pas n’importe quel Sud non plus. C’est un Sud qui connaît aussi la sécularisation, l’Argentine connaît ces réalités. C’est quelqu’un du Sud mais qui comprendra le Nord, j’en suis convaincu.

Il est apparu hier soir au balcon extrêmement simple. Est-ce que cela annonce, d’une certaine manière, le style de sa papauté ?

Je le pense, je le souhaite. Prendre le nom de François nous en dit déjà très long.

C’est un symbole, ça aussi ?

C’est un symbole. D’ailleurs, j’entends plusieurs qui me disent « Ca nous ouvre vraiment les chemins de la simplicité ». François d’Assise c’est quand même celui qui, au XIIIè siècle, se trouve devant une Eglise qui ne va pas bien, une société qui n’allait pas très bien non plus. Il reçoit de Dieu l’appel à simplifier les choses, l’appel à rejoindre les pauvres, l’appel à ne pas construire l’Eglise sans les êtres humains. Et j’ai le sentiment que le pape François, en décidant d’être François, veut ouvrir ce chemin de la simplicité.

C’est peut-être cela le rendez-vous des temps modernes. On a besoin de beaucoup de simplicité. Les gens qui nous écoutent souffrent, ils ont beaucoup de questions à travers le monde. Tous nos auditeurs ont énormément de préoccupations. Ils doivent être très touchés d’avoir un pape François qui est très humain, qui aime le foot, qui les comprendra…

Qui est membre d'un club de supporteurs ?

C’est génial ça. Ca dit une humanité, ça dit une passion pour aussi ce que sont les hommes. Et en même temps, le fait qu’il ait arpenté les bidonvilles, le fait qu’il ait fait le choix personnel d’être pauvre lui-même, ce sera une compréhension pour tous ceux qui souffrent.

Quand on est évêque argentin et qu’on a un footballeur comme Lionel Messi, c’est difficile de ne pas être amateur ?

Effectivement tout de suite, ça impressionne.

Dans les premières minutes – c’est un détail mais qui a peut-être son importance –, il a été présenté comme François Ier, évidemment cela avait une résonance particulière en France. Finalement, c’est désormais François. Cela aussi est un choix de simplicité, de dépouillement ?

C’est un choix de dépouillement. Le Vatican a fait savoir assez rapidement qu’il aimerait qu’on dise « Pape François » parce que d’abord il attend qu’il y ait éventuellement un François II pour être François Ier. Et c’est aussi un grand signe d’humilité, c’est une façon de se nommer. On a eu un pape Christophe dans l’histoire. On a eu un pape Laurent. Il n’y a pas eu de Laurent II. Y aura-t-il un François II ? Je ne sais pas.

Qu’est-ce que traduit ce choix des cardinaux ? C’est vraiment une élection spirituelle, pas politique ?

Elle est spirituelle, elle est toujours politique. Il ne faut pas non plus être langue de bois. Le sens spirituel, nous venons d’en parler. Mais aussi politique : ils ont certainement dû chercher aussi une synthèse, j’en suis convaincu parce que là on a quelqu’un qui est Italien d’origine, il est du Sud dans son épiscopat donc cela fait synthèse entre toutes les prédictions : aura-t-on un Italien ? Aura-t-on quelqu’un du Sud ? C’est quand même extraordinaire, il fait synthèse lui-même.

Il y a eu certainement aussi chez les cardinaux le besoin d’aller chercher quelqu’un qui a un âge déjà avancé, peut-être parce qu’ils ont besoin de quelqu’un qui fait la communion, quelqu’un qui les unisse. Et cela, c’est aussi une question pour moi. Je me dis : ça symbolise quoi cet âge du Saint Père ? Est-ce que ça symbolise le fait qu’aujourd’hui, nous avons besoin de nos aînés pour nous unir ? Parce qu’au-delà de la question de la papauté, pourquoi à nouveau on choisit quelqu’un d’un âge déjà avancé ? Jean XXIII avait l’âge du pape François, 76 ans. Qu’est-ce que cela inaugure ? Jean XXIII a eu l’audace de faire énormément de choses en cinq ans, le pape François va aussi nous surprendre, je pense.

A quels types de changements vous attendez-vous justement ?

Je n’ai pas de programmation parce que le pape ne vient pas avec un programme, il n’est pas un homme politique. Mais la force de rassemblement, la compréhension de l’humanité sont des voies essentielles. Et le pape François les a déjà inaugurées hier soir. Il faut que l’opinion publique se sente comprise, qu’elle se sente aimée parce que là, il faut rayonner de bonté. Les gens souffrent. La mondialisation fait énormément de fractures dans le monde, on l’entend quand même de ci, de là.

Et je suis touché par les hommages qui sont rendus au pape François. Aujourd’hui par exemple, le Premier ministre australien qui se dit délibérément athée salue cette élection du Sud. Regardez comment aux Philippines, on se réjouit. J’ai lu comme cela quelques dépêches depuis hier soir : c’est éloquent de voir comment la communauté internationale, de Barack Obama à d’autres, vient dire « c’est vraiment un très beau signe qui nous est donné ».

Quels sont les dossiers auxquels il va devoir s’attaquer prioritairement d’après vous ?

Il n’aura que le choix de ce que la conjoncture, et aussi la providence, va lui apporter. Il est évident dans la vie interne de l’Eglise, il faut continuer la lutte contre…

C’est la fameuse réforme de la Curie, c’est-à-dire le gouvernement du Vatican ?

Oui. J’ai confiance, un homme si simple ne va pas s’encombrer. Il ira vers la simplification. J’ai grand espoir qu’il va poursuivre énergétiquement une simplification.

Ca veut dire quoi cette simplification ? Moins de protocole, moins d’apparat éventuellement ?

Ce n’est pas forcément l’apparat car il est déjà fortement simplifié. Je peux vous dire que les gens qui travaillent à la Curie sont vraiment des gens qui travaillent énormément avec beaucoup de simplicité. Mais c’est plus, peut-être, d’être plus simple dans les rouages, dans la façon de communiquer, dans la manière de délibérer, de prendre des décisions, de s’informer, d’éviter d’être étanche d’une congrégation à l’autre et aussi de lutter contre les scandales !

Il faut continuer la force de la transparence que Benoît XVI voulait. Ce n’est pas fini. Il faut continuer, il faut œuvrer là. Mais il y a une autre priorité plus internationale, c’est la nouvelle évangélisation. Benoît XVI avait présidé un synode en octobre dernier, mais là nous attendons la feuille de route. Il faut que le pape François donne la feuille de route.

Il y a un personnage très important au Vatican, c’est le secrétaire d’Etat. Est-ce qu’il faut attendre de le connaître pour savoir au fond quel sera véritablement le style du pape François ?

Je suis d’accord avec vous que la nomination que fera le pape François de son secrétaire d’Etat va en dire très long sur sa conception de la gouvernance. Selon le profil qu’il choisira, on aura là une complémentarité qui va jouer entre un pape qui doit rayonner sur le plan mondial et puis un secrétaire d’Etat qui doit agir, qui doit prendre des décisions très concrètes.

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