France: l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, nouveau symbole du combat écologiste

Une manifestation de grande ampleur est prévue ce samedi 17 novembre pour protester contre la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire Atlantique). Ce projet auquel est très attaché le Premier ministre, et ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, rencontre une forte opposition de la part des écologistes qui agitent le spectre d’un nouveau Larzac. Le risque de débordements est réel.

Chaud. Le week-end promet d’être chaud du côté de Notre-Dame des Landes, cette commune de Loire-Atlantique où un nouvel aéroport doit être mis en service en 2017. Lancé dès 1967, ce projet plusieurs fois retardé a refait surface au début du nouveau siècle et mobilise depuis contre lui une farouche opposition composée des agriculteurs locaux appuyés par la Confédération paysanne et par la mouvance écologiste, des alliés rejoints depuis peu par le Front de gauche et différents courants de l’altermondialisme et de l’anticapitalisme, des plus pacifistes aux plus radicaux. Au total quarante-deux associations se sont unies pour dire « non » à l’aéroport.

Sus à l’ « Ayraultport » !

Ce combat écologiste dépasse très largement la politique locale car le principal instigateur du projet d’aéroport n’est autre que Jean-Marc Ayrault, chef du gouvernement socialiste arrivé au pouvoir en mai dernier. Maire de Nantes depuis 1988 jusqu’à sa nomination à Matignon et premier président par ordre chronologique de la communauté urbaine Nantes-métropole, une agglomération de près de 600 000 habitants, Jean-Marc Ayrault se trouve désormais dans la situation assez inconfortable d’avoir à défendre l’ « Ayraultport », tel que ses détracteurs ont baptisé le projet.

Inconfortable d’abord parce qu’il passe pour le « méchant » de l’histoire, coupable de vouloir infliger toutes sortes de nuisances environnementales et sonores à un domaine de 2 000 hectares jusque-là paisible situé à 17 km de la préfecture de Loire-Atlantique et rassemblant une quarantaine d’exploitations agricoles. Inconfortable aussi parce que les opposants ne voient pas la nécessité de dépenser près de 600 millions d’euros dans un aéroport à deux pistes dont ils ne saisissent pas l’utilité à l’heure du TGV. Inconfortable enfin car il met à mal l’alliance de plus en plus fragile du parti Europe Ecologie-Les Verts à la majorité, lui qui compte dans son gouvernement deux ministres Verts : la volubile Cécile Duflot (Logement) et le discret Pascal Canfin (Développement).

S’ils entendent bien les reproches adressés par les anti-aéroports, les partisans de Notre-Dame-des-Landes - en tout vingt-deux communautés territoriales soutiennent le projet - leur opposent un discours économique, logistique et social. Selon eux, l’aéroport existant (Nantes-Atlantique), construit dans les années 1950, frôle la saturation avec 3,2 millions de passagers annuels et souffre de ne pas pouvoir être agrandi car situé à seulement 5 km du centre-ville. Ils promettent aussi la création de plus d’un millier d’emplois sur la zone aéroportuaire et, surtout, ils voient dans les nouvelles installations un moyen de renforcer l’attractivité de toute une région qui reste géographiquement excentrée par rapport au reste de l’Europe.

De là à imaginer que Notre-Dame-des-Landes accueille en 2050 les 9 millions de passagers annuels pour lequel il est prévu, il y a évidemment un fossé que dénoncent ses contempteurs. Selon eux, le réseau ferroviaire existant ajouté à Nantes-Atlantique sera largement suffisant. « Les prévisions de trafic sont toujours surestimées, c’est une constante dans les grands projets d’infrastructures », déclarait vendredi dans les colonnes de La Croix un connaisseur du projet. Il soulignait aussi qu’en France tous les aéroports étaient déficitaires hormis ceux de Paris et de Nice. « Si le trafic aérien domestique ne devait plus se développer en France, il y a toujours des possibilités de croissance à l’international », contredisait un consultant dans le même journal.

Le spectre d’un nouveau Larzac

Quoiqu’il en soit, les deux camps semblent être allés trop loin désormais pour consentir à faire marche arrière. Le mois dernier, les forces de l’ordre ont dû utiliser la manière forte pour déloger des squatteurs qui refusaient d’évacuer le site où l’on procédait à des destructions de maisons, un préalable aux premiers travaux d’aménagement qui doivent commencer début 2013. Depuis, le climat est extrêmement tendu sur la zone et plusieurs incidents ont éclaté autour du site (25 blessés en un mois), ce qui faisait craindre des débordements de part et d’autres, à la veille de la manifestation de ce samedi 17 novembre, rassemblement auquel doivent prendre part plusieurs milliers d’opposants au projet.

« Si le gouvernement s’acharne par le truchement de M. Valls [le ministre de l’Intérieur, ndlr] à brutaliser ceux qui occupent le terrain, il prend le risque d’ouvrir un nouveau Larzac (1) », a prévenu vendredi le député Europe Ecologie-Les Verts (EELV) Noël Mamère, à la tête d’une délégation d’élus venue symboliquement réoccuper une maison sur le site du futur aéroport. En déplacement à Berlin en sa qualité de Premier ministre, Jean-Marc Ayrault a pour sa part rappelé qu’il y avait « un consensus très large autour du projet ». Plus magnanime, le sénateur EELV Jean-Vincent Placé a pour sa part proposé la nomination d'un « médiateur qui remette les gens autour de la table ». S’il est entendu, on doute que le projet voie le jour à la date prévue en 2017.

(1) En 1971, le gouvernement français décida de l'agrandissement d’un camp militaire au Larzac (Aveyron), un projet d'extension qui rencontra une vive opposition et fut finalement annulé en 1981 par François Mitterrand après dix ans de luttes non violentes

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