Le prix a commencé avec un grand couac. Ce n’est pas le jury du Prix Femina qui avait annoncé l’heureux élu, mais la maison d’édition de l’auteur. Un tweet peu élégant de l’éditeur Seuil avait propulsé la nouvelle au grand jour, une demi-heure avant l’annonce officielle : « Patrick Deville reçoit le Prix Femina pour Peste & Choléra ! Un grand bravo à lui ! » Première réaction de l'intéressé par rapport au jury composé exclusivement de femmes : « C'est magnifique. On écrit toujours pour avoir le plus de lecteurs possible... On me reproche parfois (d'écrire) des livres pour les garçons, eh bien la preuve est faite que non. »
Avant le prix Femina, Patrick Deville a été déjà primé du Prix Fnac, ce qu’avait assuré à son roman un public très nombreux et contrebalancé sa réputation d’écrivain difficile et érudit. Le roman a été célébré par la critique littéraire comme « un roman dépaysant à la Stevenson, et mystérieux comme un Jules Verne ».
La « bande à Pasteur »
Le personnage principal du roman, Yersin, est né à Morges, en Suisse, marqué par la disparition très tôt de son père. Il a 29 ans quand il choisit de prendre le large. « C’est fini, la microbiologie, la recherche, il a changé de vie, il a choisi la mer. » Membre de la « bande à Pasteur », constituée en 1887, il travaille sur la tuberculose et la diphtérie à Paris, avant d’isoler, presque accidentellement, le bacille de la peste lors de la grande épidémie à Hongkong en 1894. Patrick Deville se donne à fond pour restituer – avec l’aide des archives des Instituts Pasteur- sa fascination pour l’aventure des pasteuriens et leur acharnement de faire avancer la médecine, parfois aussi en faisant la guerre au scientifique allemand Koch, découvreur de la tuberculose. Mais, en arrière-plan, guette toujours cette Europe qui colonise, exploite et dévaste, ce qui rappelle pas mal la peste qui avait décimé la moitié de la population européenne au Moyen Age et que Yersin combat avec passion à Nha Trang, au Viêt-Nam.
Patrick Deville, romancier et aventurier
Avant d’envoyer son héros romanesque comme médecin à bord d’un navire au bout du monde, Patrick Deville, qui fêtera son 55e anniversaire ce 14 décembre, avait lui-même beaucoup parcouru la planète. Formé à l’université de Nantes en littérature comparée et de philosophie, il a vécu dans les années 80 au Moyen-Orient, au Nigeria, en Algérie avant de se rendre dans les années 90 régulièrement aux Amériques, à Cuba, en Uruguay et en Amérique centrale.
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Patrick Deville : Peste & Choléra, éditions Seuil, « Fiction & Cie », 228 pages, 18 euros.