« Un plateau de cinéma, pour un metteur en scène, c’est le lieu de naissance. » Visiblement ému, ce 21 septembre, Luc Besson a déclaré ouverte la Cité du cinéma avec ses 9 gigantesques plateaux de tournages et ses nombreux ateliers pour la fabrication des décors. Besson a remis le courant, cette fois cinématographique, dans cette ancienne centrale électrique d’EDF construite en 1933, dont il a gardé la structure architecturale impressionnante et l’horloge qui trône dans la nef magistrale, 200 mètres de long. L’heure est à la « fierté pour le cinéma français ». La recette Luc Besson pour faire aboutir ses rêves ? « Cela demande beaucoup d’amour. »
« Hollywood-sur-Seine »
A ses côtés s’affirme Christophe Lambert, le souriant directeur général d’EuropaCorps, la société de production de Luc Besson. Lambert assume pleinement le surnom « Hollywood-sur-Seine » pour la Cité et souligne que ce lieu n’a pas d’égal en Europe : « La Cité a des concurrents, mais elle n’a pas d’égale en termes d’atouts. C’est la Cité la plus récente, la plus moderne. C’est ce qui se fait de mieux en capacité de tournage, de technologie impliquée dans la conception même des plateaux et de la Cité. Tous les grands producteurs américains qui sont venus la visiter sont unanimes pour dire que ce sont les plus beaux studios du monde. »
Ce n’est pas Richard qui contredira ces propos. Depuis plus de 30 ans, il est le « Monsieur effets-spéciaux » de Luc Besson. Lors de la visite, cet homme gentil et chauve est en train de s’activer sur une voiture de film dans l’un des nombreux ateliers. A l’époque du Cinquième Elément, il avait dû créer le rocher et le sable du film en Mauritanie. Pouvoir travailler aujourd’hui dans le confort, à côté de Paris, c’est pour lui un luxe incroyable : « Ici, il y a plein de plateaux, des ateliers immenses, cela change énormément de choses : on peut stocker, fabriquer, tout faire sur place, à côté de Paris. »
« Le cinéma est notre avenir économique et culturel »
Qu’est-ce que la Cité du cinéma changera pour le cinéma français et européen ? « Le fait qu’elle existe est déjà un changement considérable, répond le réalisateur français Costa-Gavras (Z, Amen). En France, depuis plusieurs années, les studios mouraient, les uns après les autres. La Cité, c’est ce dont on a besoin en France, parce que nous sommes quand-même un pays de cinéma. Le cinéma est né ici. Luc Besson a fait un travail exceptionnel ». Pour l’ancien ministre de la culture, Jack Lang, la Cité « sera un pôle fort, un pôle phare de la vie cinématographique. L’ambition qui s’incarne à travers ces lieux amples et puissants montre que le cinéma est encore aujourd’hui une grande aventure. Sur le plan culturel et industriel, le cinéma est une des clés de notre avenir économique et culturel. »
Trop de riques ?
Pour obtenir les 160 millions d’euros d’investissement nécessaires pour ce projet, jugé longtemps trop risqué par les banques, Besson a dû faire beaucoup de concessions. Avec 11 000 mètres carrés, la partie de la production strictement cinématographique occupe seulement 18% de la Cité, tout le reste est dédié à un programme immobilier avec des bureaux, des parkings, des parties communes et des écoles. Reste aussi la question de savoir si la réalité économique dans une Europe en crise profonde n’atteint pas aussi les beaux rêves de la Cité de Luc Besson. Avec 120 films produits par an, la France est le numéro 1 en Europe, mais son cinéma repose sur un système d’aide financier unique qui est régulièrement mis en cause par la Commission européenne.
Besson se vante d’avoir déjà accueilli trois productions de films à la Cité : Taken 2, Les Schtroumpfs 2 et son thriller Malavita avec Robert de Niro, mais lors de la visite, seul le studio 5 était occupé et les carnets sont apparemment loin d’être remplis. Et pour mieux attirer les productions américaines, il a demandé à l’Etat que le déplafonnement du crédit d’impôt soit inscrit dans la loi de finances 2013…
La banlieue devient-elle le centre ?
A Saint-Denis, Luc Besson est déjà considéré comme un héros. Patrick Braouezec se souvient encore du jour, il y a douze ans, où le cinéaste est venu le voir dans son bureau avec le projet et une question simple : « Si vous me dites on y va, on y va. » A l’époque, Braouezec était député-maire de la ville de Saint-Denis, alors réputée pour la violence, les drogues et des cités
difficiles. Et il était bien parmi les seuls qui ont vraiment cru à l’avenir de cette ville et donc à la future Cité du cinéma. Aujourd’hui, l’ancien communiste est devenu président de Plaine Commune. Cette communauté d’agglomération réunira bientôt neuf villes dans le nord-est parisien. Entretemps, elle est devenue la plaque tournante pour les productions audiovisuelles et rassemble 300 entreprises et 47 plateaux de tournage.
Avec l’ouverture de la Cité du cinéma, la banlieue devient-elle le nouveau centre ? « Pour moi, la banlieue fait partie des centres de la métropole parisienne. Il faut sans doute sortir de cette vision monocentrique de cette métropole parisienne. Il y a plusieurs pôles de centralité. Nous revendiquons d’être un des pôles de centralité de la métropole. Oui, la banlieue devient un des centres, pas le centre, mais un des centres. »
Dawson Alexis, 20 ans, élève de l'Ecole de cinéma de Luc Besson
Pour Luc Besson, la banlieue faisait déjà toujours partie de son univers cinématographique. L’ancienne centrale électrique qui héberge sa Cité du cinéma, il l’a découverte en 1990, lors du tournage de Nikita, et on l’a retrouve aussi dans Léon. Plus tard, il avait lancé une fondation pour aider les jeunes la banlieue et aussi le Festival Cannes et banlieues. Aujourd’hui, il investit dans l’avenir des futurs réalisateurs avec son Ecole de cinéma entièrement gratuite et implantée dans la Cité. L’ouverture de l’inscription avait déclenché un engouement incroyable. Le site était, les premiers jours, complètement saturé et finalement, il y avait plus de 2700 candidats confirmés. Dawson Alexis, 20 ans, est l’un des 60 heureux élèves âgés entre 18 et 25 ans qui ont réussi les tests pour entrer dans cette école pas comme les autres : « C’est ma grand-mère qui a vu l’ouverture de la Cité du cinéma dans un journal et elle a pensé à moi. J’espère avoir tous les outils pour devenir réalisateur et pourquoi ne pas me créer un réseau à l’international ? »