Si l'on était dans un univers pénal, on pourrait parler de « récidive ». Pourtant, la dernière fois, le magazine le plus provocateur de l'Hexagone fut la victime de la publication de caricatures de Mahomet : en novembre 2011, après la sortie d'un numéro spécial baptisé « Charia Hebdo » avec Mahomet comme « rédacteur en chef », les locaux du journal satirique avaient été incendiés et le site internet du journal piraté.
Ce mercredi 19 septembre, l'hebdomadaire satirique a décidé de faire dans la surenchère en affichant à sa Une une nouvelle représentation de Mahomet dans une position peu à son avantage. On y voit le prophète de l'islam dans un fauteuil roulant, poussé par un juif orthodoxe.
Les dessins paraissent dans un contexte de tensions extrêmes qui ont secoué de nombreux pays musulmans, à la suite de la diffusion sur internet du film anti-islam L'Innocence des musulmans, réalisé aux Etats-Unis.
De l'huile et du feu
Pour le directeur de la publication de Charlie Hebdo, le dessinateur Charb, la provocation est l'essence même de son journal, et la liberté d'expression prime.
Tiraillé entre liberté d'expression et respect des convictions religieuses, le gouvernement veut avant tout temporiser. « Nous sommes dans un pays où la liberté d'expression est garantie, la liberté de caricature aussi », a ainsi déclaré le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault. « Chacun doit exercer cette liberté », mais « si vraiment des personnes se sentent heurtées dans leurs convictions et pensent qu'il y a eu dépassement du droit [...] -cet Etat de droit doit être totalement respecté-, elles peuvent saisir les tribunaux. Ca s'est déjà produit concernant cet hebdomadaire », a relevé le Premier ministre.
Evoquant les « éléments de contexte », Jean-Marc Ayrault a jugé qu'il était de la « responsabilité de ceux qui dirigent ce journal de décider de faire ou ne pas faire ».
« Est-ce que c'est pertinent et intelligent dans ce cadre-là de mettre un peu d'huile sur le feu ? La réponse est non », a pour sa part déclaré Laurent Fabius. Dans son rôle de garant de la sécurité des Français à l'étranger, le chef de la diplomatie s'est dit « préoccupé ». « Quand j'ai vu cela, j'ai évidemment envoyé des instructions pour que dans tous les pays où cela peut poser des problèmes, on prenne des précautions de sécurité particulières. »
Dès lundi soir, les réseaux sociaux se sont emparé de la polémique qu'ils ont contribué à enfler, et le hashtag #CharlieHebdo sur Twitter se hissait en tête des sujets les plus populaires. Le site de Charlie Hebdo lui-même était inaccessible ce mercredi 19 septembre au matin.