Sur les réseaux sociaux, la parole est à la justice

Dans l’Ordre, bien souvent fermé, des avocats, les réseaux sociaux représentent un nouveau moyen d’ouverture vers les citoyens curieux ou de potentiels clients. Dorénavant nombreux sont les avocats à tenir des blogs ou à alimenter leur compte Twitter à des fins médiatiques, mais aussi dans un but informatif pour le grand public. Pour mieux comprendre le fonctionnement de la Justice, faut-il maintenant aller sur les réseaux sociaux ?

Commençons par un peu de juridique fiction. Imaginons des avocats qui commenceraient à plaider la cause de leurs clients sur Twitter ou défendraient leurs intérêts avec des appels à témoignages sur des pages officielles Facebook. On se plairait aussi à lire à l’instar des livetweet lors du procès de Dominique Strauss Kahn (alimentés à l’époque par des journalistes), des fils Twitter d’avocats qui exposeraient leurs arguments, avec la Cour de cassation en position de modérateur… On n’en est pas encore là (et n’est-ce pas plus mal ?), même si la Toile a déjà vu apparaître des phénomènes juridiques intéressants. Les avocats y tiennent des blogs, alimentent leur compte Twitter avec des chroniques judiciaires en 140 signes, parfois drôles et très souvent révélatrices. La, si secrète, Justice commencerait-elle à se dévoiler sur les réseaux sociaux ?

« Un moyen exceptionnel de se faire connaître et d’accroître la visibilité de son cabinet »

Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, explique : « Les réseaux sociaux constituent un formidable moyen d’expression et de communication pour les avocats qui y sont très présents. C’est aussi un moyen pour ceux qui les lisent, certes, de mieux les connaître, mais aussi, bien souvent, de mieux comprendre leurs droits, une actualité ou le rôle d’un avocat. C’est également un moyen exceptionnel de se faire connaître et d’accroître la visibilité de son cabinet, d’expliciter de nouveaux textes, d’en décrypter d’autres. Bref de porter le droit et son essentialité. »

Vulgariser des affaires juridiques bien souvent complexes

L’avocat le plus utilisateur des réseaux sociaux en France demeure, l'anonyme, Maître Eolas, blogueur, serial Twitteur et agitateur juridique médiatique parfois controversé. Il fut, à l’origine et par le biais de son blog, autant une nouvelle source d’informations pour les journalistes judiciaires qu’un redoutable moyen de clarifier ou de vulgariser des affaires juridiques bien souvent complexes. C’est un peu ce désir de démystifier ou d’éclairer un domaine juridique parfois obscur qui motive les avocats à mieux se connecter. Et pour les citoyens qui n’ont pas forcément envie d’ouvrir un Dalloz pour comprendre les rouages de la Justice, souvent maintenant deux trois clics suffisent. Mais comme pour la médecine sur internet - Doctissimo ne soigne pas tout, et loin de là : on ne pourra jamais se passer d’un vrai conseil d’avocat, hors espace virtuel. Toutefois on trouve de plus en plus des avocats 2.0, qui alimentent, expliquent, commentent l’actualité juridique via les réseaux sociaux.

« La sensation que le cabinet est à l’abandon »

Mais pourquoi les avocats vont-ils sur les réseaux sociaux ? Pour Annette Sion, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle : « A titre professionnel, je pense que cette démarche d’aller vers les réseaux sociaux peut être utile à la seule condition d’être très dynamique. Les blogs ou les sites avec des informations qui ont déjà 6 mois de retard, voire plus pour certains, sont totalement contre-productifs. Et cela peut même donner la sensation que le cabinet est à l’abandon. Or, c’est bien souvent la majorité des cas en ce qui concerne les sites d’avocats. De mon côté, je sais que je n’arriverai pas à actualiser un blog régulièrement, donc je préfère ne rien faire pour l’instant… » Pour une autre avocate : « Bien sûr que j’utilise les réseaux sociaux et notamment Twitter. Mais c’est uniquement comme un outil de veille et en aucun cas je n’y communique à titre professionnel. »

Petit conseil : Sur Twitter, vous pouvez aisément profiter de la veille effectuée sur des comptes gérés par des professionnels en allant dans leurs listes officielles publiques. Là, y sont souvent répertoriés les comptes influents, les incontournables ou ceux qui prennent de l’ampleur…

« Les gens ont pris le réflexe de chercher des informations sur leurs interlocuteurs via internet et notamment les réseaux sociaux »

Pour Guillaume Lécuyer, avocat au barreau de Paris : « Les réseaux sociaux en tant que tels (surtout LinkedIn ou Twitter) peuvent présenter un intérêt pour, d’une part, informer la clientèle (existante ou potentielle) sur des avancées ou nouveautés juridiques, d’autre part, à des fins de prospection de nouvelle clientèle. Il me semble nécessaire de présenter une visibilité sur ces réseaux sociaux, notamment parce qu’une grande majorité des gens a pris le réflexe de chercher des informations sur ses interlocuteurs via internet et notamment les réseaux sociaux. »

« Ces outils indispensables font vraiment partie de mon quotidien professionnel »

Nous avons demandé au Bâtonnier de Paris quels sites, blogs ou comptes Twitter il serait utile de suivre ? « En tant que Bâtonnier de Paris et dans un souci de neutralité, je ne peux pas vous donner des adresses précises. En revanche, je peux vous préciser que je suis de très près les sites d’actualité, les sites représentant les institutions de notre profession, les syndicats d’avocats, les autres barreaux de France et à l’étranger, les sites consacrés au thème des nouvelles technologies et les grands blogueurs de notre profession. Ces outils indispensables font vraiment partie de mon quotidien professionnel. » Les autres avocats contactés nous ont conseillés certains comptes à suivre ; ils figurent dans le Storify ci-dessous.

« Ne rien faire équivaut à louer un magasin dans une rue très fréquentée et ne jamais en ouvrir la porte »

Une étude LexisNexis en 2011, portant sur 110 cabinets d’avocats internationaux, a montré que LinkedIn était, de loin, la plate-forme la plus populaire de tous les médias sociaux chez les cabinets d’avocats. Elle est suivie par Twitter et Facebook. Derek Benton, directeur des opérations internationales chez Martindale-Hubbell, expliquait : « Enregistrer son profil constitue une étape dans la bonne direction, mais ne rien faire équivaut à louer un magasin dans une rue très fréquentée et ne jamais en ouvrir la porte. Enregistrement, diffusion, puis conversation correspondent aux étapes de l’engagement via les médias sociaux. » Il concluait : « Dans le passé, on pensait que les réseaux sociaux ne servaient qu’à la socialisation - à partager votre vie sociale avec vos amis et à en rencontrer de nouveaux - mais ils sont allés bien au-delà. Hormis quelques exceptions notables, il est désormais temps pour les cabinets d’avocats d’adapter leurs modèles commerciaux et de faire l’expérience des médias sociaux dans le cadre de leurs programmes d’acquisition de nouveaux clients et de fidélisation de ceux-ci, au risque d’être laissés pour compte. »
 

 

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