«Very Wetr !», Régine Chopinot et la danse sacrée kanak

Elle n’est pas venue toute seule, ici au Festival d’Avignon. La chorégraphe Régine Chopinot est accompagnée des danseurs du Wetr. Autrement dit, une compagnie kanak avec qui elle partage l’affiche pour sa nouvelle création Very Wetr !. Entretien avec Régine Chopinot et le chorégraphe kanak Umuissi Hnamano.

RFI : Wetr, c’est un mot qui pourrait presque être à la mode. Mais ce n’est pas tout à fait le cas, parce que vous travaillez, surtout sur les traditions. Quel est l’objectif de votre compagnie ?

Umuissi Hnamano : Au départ, c’était de rassembler tout le monde, de refaire vivre les traditions avec les danses, et aussi la transmission. Voilà. C’est notre objectif. C’est ne pas perdre la transmission avec la jeune génération.

RFI : Pourquoi « refaire » vivre ? Ces danses-là étaient-elles menacées ?
 
U.H. : Eh bien avec la religion, l’arrivée de la colonisation, ces danses-là ont été mises de côté, interdites, ce sont des danses d’hier, et puis cela provoque un peu les réactions malhonnêtes envers les autres. Ce sont des danses guerrières.
 
RFI : D’où vous les connaissez, ces danses ? Qui vous les a apprises ?
 
U.H. : Ces danses-là, en 1992 c’était une création. Mais avec une légende qu’on a travaillée. Parce que nous, on est né danseur. Et avec une légende, on a créé une danse avec toute cette légende-là. Puis c’est parti de là.
 
RFI : Quelle légende ?
 
U.H. : La légende des deux frères qui sont allés chercher une princesse de l’île de Lifou pour aller sur une autre île.

RFI : Wetr, cela veut dire quoi ?
 
U.H. : Wetr, cela veut dire pays. C’est une montagne, c’est le nom de notre pays.
 
RFI : Ce sont des danses et des chants très liés à la nature. Comment décrire ces danses et ces chants que vous dites « guerriers » ?
 
U.H. : Ce sont des danses de guerriers d’hier, mais aujourd’hui ce sont des danses de joie. Hier c’était une danse pour préparer les guerriers, pour aller à la guerre. C’était interdit aux femmes. Ce n’étaient que les hommes qui dansaient. Mais maintenant, on a intégré les femmes. C’est aujourd’hui une danse de joie, pour partager avec les autres.
 
RFI : Régine Chopinot, comment vous la raconteriez, cette danse ?

Régine Chopinot : Simple et complexe. Il y a un tel engagement en eux. Il y a une espèce d’énergie. C’est l’engagement qui est important. Au niveau de la lecture des corps, puisque c’est aussi mon job, ils ont une relation au sol, sans oublier la relation à ce qui est au-dessus. Ce qui est génial chez eux, c’est qu’ils sont d’une ouverture parfaite, sans idéaliser quoi que ce soit, puisque le paradis, il n’existe nulle part. S’il existe c’est peut-être en nous. Mais c’est vrai que le fait d’avoir à la fois Internet, et en même temps de continuer à avoir une pratique corporelle absolument hallucinante au quotidien, cela fait une chose qu’on a peut-être à s’inspirer.

RFI : Toute la danse et toute la musique est basée sur le battement des pieds, avec des grelots.
 
R.C. : Ce sont des sonnailles. Ce sont des graines qui sont coupées.

U.H. : Et puis il y a aussi le bambou. Le bambou, qui est important pour nous, ça frappe le sol. Et puis les pieds qui tapent le sol, pour nous cela a une signification. C’est pour soulever la poussière, être avec nos gens qui ne sont plus là. Et c’est pour donner le rythme.

RFI : Ce sont des danses sacrées, puisqu’il s’agit de réveiller les esprits. Quel sens cela a alors, d’interpréter ces danses hors sol, c'est-à-dire ici, à Avignon ?

U.H. : La danse, elle est sacrée, parce que c’est nous qui la rendons sacrée. Les danses traditionnelles sont sacrées, parce que c’est un honneur à celui qui l’a créé à une époque et à partir d’un événement. Pour la danser, cette danse, il faut demander à celui qui l’a créée.
 
RFI : Comment vous vous êtes retrouvée au Nouvelle-Calédonie, Régine Chopinot ?
 
R.C. : Je voulais fuir, je voulais fuir le choc, quand j’ai quitté l’institution du Centre chorographique national de La Rochelle. Passer à l’indépendance c’est une grande responsabilité. J’avais un choc à digérer. Et ce qui était génial c’est que quand je suis arrivée là-bas personne ne me connaissait. Et c’est vrai que c’est une protection aussi, de ne pas être connu, de ne pas traîner trente années de boulets derrière soi.

 

 

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