La footballeuse camerounaise Rigoberte M’Bah autorisée à rester en France

Victime d’un imbroglio juridique sans fin, la footballeuse camerounaise du FC Hénin-Beaumont Rigoberte M’Bah vient d’obtenir un titre de séjour qu’elle attendait depuis près de quatre ans. Non content de régulariser sa situation une bonne fois pour toutes, l’obtention du précieux document devrait faire jurisprudence pour d’autres joueuses étrangères dans le même cas.

Ses mésaventures étaient devenues une cause célèbre dans le nord de la France et dans le milieu du foot féminin mais, désormais, elle a retrouvé le sourire. Titulaire depuis le 15 juin d’un titre de séjour valable six mois et renouvelable, Rigoberte M’Bah, footballeuse camerounaise âgée de 28 ans, va pouvoirs rester en France et y poursuivre sa carrière professionnelle.

Mauvaise surprise

Internationale dans son pays avec lequel elle disputa en 2004 la finale de la Coupe d’Afrique des nations féminine sous le maillot des « Lionnes indomptables », Rigoberte est arrivée en France à l’été 2008. Elle est alors persuadée qu’une vie nouvelle mais surtout meilleure va commencer en signant l’ASPO Brive, modeste club corrézien de 3e division.

C’est au contraire à partir de là que les ennuis commencent car elle apprend que seules sont régularisées les joueuses qui évoluent dans le championnat de première division. Première erreur administrative car, en tant qu’internationale dans son pays, elle aurait dû pouvoir obtenir un titre de séjour. En réalité, Brive a mal ficelé son dossier et n’a pas fait le nécessaire, tout le mal est parti de là.

Vu son niveau, Rigoberte sait pouvoir briguer la classe au-dessus et elle finit par rejoindre Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, club qui a l’avantage d’être en 1ère division et qui lui promet d’être nourrie, logée et dotée d’un salaire de 500 euros. C’est à peine de quoi survivre mais elle s’en accommode, espérant au passage obtenir les papiers nécessaires pour devenir légale en France. A l’été 2009 cependant, elle est convoquée par la préfecture de Tulle en Corrèze, son point d’arrivée sur le territoire. Elle s’y rend sans crainte, sûre d’être régularisée. Elle est au contraire arrêtée et placée en détention.

C’est le début d’un long calvaire personnel et juridique où elle va aller d’espoirs en déceptions, entre arrestations et menaces d’expulsion, faute de papiers en règle. Soutenue par un collectif d’associations dont le Comite des Sans-Papiers local (CSP59) et ATD Quart-Monde, elle ne va jamais baisser les bras malgré les refus renouvelés de l’administration de régulariser sa situation. Pire, la préfecture argue qu’elle néglige ses deux filles, restées au pays par la force des choses, et s’en sert comme prétexte supplémentaire à sa non-régularisation.

Rigoberte touche le fond le 17 février 2011 lorsqu’elle fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, une procédure qui est stoppée in-extremis grâce à l’énergie déployée par son comité de soutien. Non contente d’être inquiétée par la justice, la joueuse n’est pas vraiment soutenue par le club à ce moment-là. Son avocate, Emmanuelle Lequien, évoque même une forme d’ « esclavagisme » au vu de la précarité de la situation dans laquelle la laissent les dirigeants.

Le bout du tunnel

L’affaire reçoit un tel écho dans la presse que les autorités vont se faire moins pressantes, sans toutefois que la footballeuse puisse obtenir un titre de séjour en bonne et due forme. Depuis, la situation s’est apaisée au club de Hénin-Beaumont avec l’arrivée d’une nouvelle équipe dirigeante qui lui a octroyé, en octobre 2011, un contrat fédéral homologué par la Fédération française de football, assorti d’un salaire mensuel de 1200 euros.

Après encore des mois d’attente et avec en toile de fond la campagne législative locale menée entre autres par Marine Le Pen, la bonne nouvelle est finalement tombée vendredi 15 juin sous la forme d’un titre de séjour de six mois accordé par la préfecture du Pas-de-Calais, document renouvelable un an, sur présentation d’un contrat de travail. Fidèle et reconnaissante, la joueuse a promis de rester encore au moins un an au club, même si celui-ci évoluera en deuxième division la saison prochaine.

« Elle a un moral d’enfer et elle a estimé qu’elle devait bien ça aux dirigeants d’Hénin-Beaumont » se réjouissait mercredi Armand Nwatsock, le porte-parole de son comité de soutien. En attendant, Rigoberte va enfin pouvoir retourner au Cameroun retrouver ses deux jumelles qu’elle n’a pas vues depuis quatre ans, ne pouvant quitter la France, de crainte de ne plus pouvoir y revenir. C’est sans aucun doute sa plus grande joie.

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