La brute et la belle. Voilà pour la distribution du film. Lui ne parle pas, mais baise bien. Elle n’a plus de jambes, mais ne se plaint pas. Ensemble, ils vont redécouvrir ce qu'est la vie. Toute ressemblance avec le film Intouchables s’arrête là, même s’il y a quelques parallèles formels.
De Rouille et d’os commence sous l’eau ou plutôt sous les eaux, là où toute vie sur terre a commencé. A l’écran apparaissent des bulles de sentiments et de pensées, des images qui flottent et nous éclairent comme la lueur d’une bougie dans la nuit du temps. Ensuite règnent des souffles, des mouvements, avant qu’Audiard s’attarde sur un visage, une paupière qui s’ouvre lentement, très lentement. Majestueux !
« J’ai faim »
Dans le film, il y a des images qui percent, la musique qui nous berce, des mains et des mots qui frappent. La première phrase ? « J’ai faim. » Répétés deux fois par Sam, confié à Ali. Le garçon a cinq ans et connaît à peine son papa qui va faire les poubelles pour récupérer quelque
chose à manger pour lui. Ali se retrouve avec Sam sur les bras pour remplacer la mère défaillante. C’est un bon-à-rien musclé, un papa raté, qui se fait de l’argent comme agent de sécurité et avec des « combats ». Des free fights sans règles et bien payés, devant un public de dealers et de gangsters. Il survit partout, encaisse tout et ne s’attache à rien.
Stéphanie est dresseuse d’orques dans le parc d’attraction Marineland sur la Côte d’Azur. Elle est très jolie et s’impose dans la vie. Mais lors d’un spectacle, un orque rate sa trajectoire et lui arrache les deux jambes en l’entraînant sous l’eau. Amputée, elle rappelle Ali, rencontrée par hasard lors d’une sortie dans une boîte de nuit. L’accident permet à leurs destins de se croiser et provoque ce Big Bang nommé amour.
Jacques Audiard, maître d’images poétiques
Marion Cotillard nous bluffe avec un réapprentissage pudique de la vie et une franchise délicate qui tourne davantage autour du point G que de l’intelligence artificielle des prothèses. Matthias Schoenaerts incarne à merveille ce mec dur qui résume l’amour à des textos « opé » pour « tirer un coup », comme il règle ses affaires avec des coups de tête et de poings. Audiard reste un maître d’images physiques et poétiques qui tranchent. Même un simple trajet en camion est transformé en travelling époustouflant pour marquer le cheminement intérieur du personnage. Sans révéler la fin de l’histoire, Ali le dur sera prêt à se briser tous les os des mains pour briser la glace. Touchant. Un très bon film.