Une bande de jeunes délinquants parvient à s’évader de l’institution pénitentiaire où ils sont détenus. Traversant la pampa et la jungle en guenilles, ce sont eux, les sauvages. Leur but ? Rejoindre « le Parrain », un homme mystérieux qui habite dans les montagnes, « à sept journées de marche de la ville ». Mais bientôt, même cette mince perspective s’évapore dans les vapeurs d’alcool et de drogues hallucinogènes.
Une nature paradisiaque ?
Scénariste de Pablo Trapero (lui-même sélectionné dans la section Un certain regard avec Eléphant blanc), Alejandro Fadel raconte cette odyssée de plus en plus vaine, de plus en plus sanglante, au fur et à mesure que la civilisation jette ses derniers feux sur ses personnages. Aucun poursuivant, aucune âme qui vive, ou presque, sur leur chemin. Une bande d’adolescents en cavale dans une nature paradisiaque ? Par son thème, Los salvajes évoque La balade sauvage de Terrence Malick. La cohabitation entre somptuosité du décor et voyage existentiel (fut-il entaché d’une extrême violence) n’est pas sans évoquer, non plus, les grands westerns des années 1970 - des chefs d’œuvres de Sam Peckinpah à John Mc Cabe de Robert Altman, ou encore au Missouri Breaks d’Arthur Penn et à ses éclairs de sauvagerie.
L’humain est peu à peu balayé
Rivières limpides, jeux d’ombre et de lumière, feuillages ocellés : loin de contraster avec la violence des adolescents, la beauté élégiaque des lieux semble les contaminer, voire les magnifier. Faire de leurs tatouages, de leurs piercings et de leurs iroquoises les signes de reconnaissance d’une quelconque tribu de sauvages des temps modernes. Fumer de la colle dans les eaux limpides d’un torrent, organiser un bivouac au creux d’un vallon que l’on jurerait jumeau de ceux jadis magnifiés par John Ford : au fil du périple, l’humain est peu à peu balayé par le vent et le silence de la pampa. Les chairs se fondent dans le gris des rochers. Nulle ironie ici. Juste une tranquille contagion du cadre par les éléments, avant le climax, d’une lenteur minérale, de ce film où l’horreur et l’innocence cheminent côte à côte.