Deux candidats UMP et PS pour les Français de l'étranger aux législatives commentent les résultats du premier tour

Le second tour de la présidentielle française opposera le socialiste François Hollande au président sortant Nicolas Sarkozy, le dimanche 6 mai. Jean-Daniel Chaoui du Parti socialiste et Alain Marsaud de l’UMP, candidats pour la dixième circonscription des Français de l'étranger étaient les invités de Christophe Boisbouvier ce lundi 23 avril 2012. Pour la première fois en effet, les Français de l'étranger vont pouvoir élire des députés. Alain Marsaud et Jean-Daniel Chaoui briguent les suffrages des Français qui habitent pour l’essentiel en Afrique centrale, dans l’océan Indien et au Moyen-Orient.

RFI : Jean-Daniel Chaoui, vous êtes le candidat du Parti socialiste dans cette dixième circonscription des Français de l’étranger. Vous êtes enseignant à la retraite. Et après le Gabon et Djibouti, vous habitez aujourd’hui à Madagascar. Vous connaissez les scores de ce dimanche 21 avril. François Hollande arrive en tête avec 28,63% des voix devant Nicolas Sarkozy qui est second avec 27,18% des voix. Est-ce que vous êtes satisfait ? Est-ce que vous êtes sûr de la victoire finale ?

Jean-Daniel Chaoui : Sûr de la victoire finale ? On ne l’est jamais. C’est quand même une belle satisfaction que de voir que les Français ont choisi notre candidat pour le placer en tête. Donc je suis satisfait de cette première partie, aussi satisfait que le candidat Nicolas Sarkozy ait été sanctionné parce que c’est quand même la première fois qu’un président sortant se retrouve en deuxième position. Donc c’est quand même un constat général qui nous satisfait. Bien sûr, rien n’est définitif et il faut que nous restions mobilisés pour le deuxième tour qui commence.

RFI : Alain Marsaud, vous êtes le candidat de l’UMP dans cette dixième circonscription des Français de l’étranger. Vous avez été juge. En 1986, vous avez inauguré la section antiterroriste du parquet de Paris. Votre candidat n’arrive qu’en deuxième position. Est-ce que vous êtes déçu ?

Alain Marsaud : Pour une fois, les sondages ne se sont pas véritablement trompés en ce qui concerne le placement en seconde position de Nicolas Sarkozy et sans doute aussi l’écart qui existe entre lui et François Hollande. J’aurais préféré le contraire effectivement. J’aurais préféré que nous passions ce premier tour en tête. Cela rendra forcément le combat plus difficile pour réussir le deuxième tour. Pour une fois, nous allons être d’accord avec M. Chaoui : les choses ne sont pas encore faites. Il va falloir que tout le monde fasse preuve de conviction, que les deux candidats fassent preuve de conviction ainsi que leur entourage pour faire en sorte que les Français se déterminent en toute clarté.

RFI : Messieurs l’un des faits notables, c’est qu’au terme de ce premier tour, le troisième homme est une femme. La candidate du Front national, Marine Le Pen, obtient 17,90% des voix. Une première réaction ?

Jean-Daniel Chaoui : Les 18% de madame Le Pen sont un peu inquiétants. Ceci dit, je pense que le candidat Nicolas Sarkozy et le discours de l’UMP n’y sont pas pour rien. Je fais une différence entre les électeurs et les dirigeants. Cela montre qu’il y a un vote protestataire qui s’est cristallisé sur madame Le Pen et j’éviterais de diaboliser l’électorat de madame Le Pen. En revanche, les idées qui sont avancées par les dirigeants du Front national sont évidemment à combattre et nous le ferons. Je vais dire un mot pour le Front de gauche. On a parlé d’une déception…

RFI : Avec Jean-Luc Mélenchon qui ne fait que 11,11% des voix !

Jean-Daniel Chaoui : C’est une déception. Mais je dirais que c’est une déception relative, dans la mesure où effectivement les sondages le plaçaient à certains moments au même niveau que Marine Le Pen. Ceci dit, quand on se rappelle ce que représentaient le Front de gauche et le Parti communiste, arriver à 11% c’est quand même une belle satisfaction. Maintenant, il faut rassembler pour le deuxième tour pour faire échec au candidat sortant.

RFI : 11,11% des voix pour le quatrième, pour Jean-Luc Mélenchon. Alain Marsaud, que vous inspire ces 17,90% pour Marine Le Pen ?

Alain Marsaud : Il y a des Français qui ont des craintes, certains peut-être plus que d’autres, justement ceux qui ont sans doute voté pour madame Le Pen. Un Français sur cinq pratiquement a exprimé ce vote qui est un vote de contestation, mais aussi de rejet des systèmes traditionnels. Je crois qu’il faut en tenir compte. Ce sont des Français qui sont malheureux pour la plupart et qui ne comprennent pas, effectivement, où va le monde, où va notre monde à nous. Aujourd’hui, ces voix n’appartiennent à personne, finalement. Et elles se répartiront je ne sais pas de quelle manière exactement. Elles iront vers l’un ou l’autre candidat, ou elles iront dans l’abstention. Nous verrons bien ce qui se passera. Par contre, quand je constate le score Mélenchon et le score Joly, je me dis que M. Hollande, je lui souhaite bien du plaisir pour mener un tel attelage avec  madame Joly d’un côté, que l’on connaît bien d’ailleurs à Madagascar, et M. Mélenchon. Si toutefois ils devaient constituer une majorité tous les trois, cela serait tellement hétéroclite que cela ne manquerait pas de surprendre les Français et sans doute d’éclater un jour. Mais enfin, l’avenir nous le dira.

RFI : Jean-Daniel Chaoui, votre réponse ?

Jean-Daniel Chaoui : Je pense que monsieur Marsaud se fait l’avocat du diable. C’est son rôle. Nous avons déjà des accords avec les Verts et nous les avons déjà contenus. Je pense qu’avec M. Mélenchon viendra sans doute un moment où on entrera en discussion, mais ce n’est sans doute pas le moment. Je pense que les électeurs vont d’abord vouloir changer de régime, si j’ose dire. Nous étions sous un régime qui est quand même rejeté globalement. C’est ma conviction et c’est pour cela que je suis quand même assez confiant pour ce deuxième tour. Je crois que Nicolas Sarkozy cristallise un rejet à la fois par sa personne et par sa politique, qui quand même est un échec. Il avait lui-même demandé à être jugé sur ses actes. Et sur ses actes, il n’aurait normalement pas dû se représenter, s’il avait tenu sa parole. Mon sentiment c’est que, quand même, la majorité des Français veut sanctionner et changer de situation.

Alain Marsaud : D’un autre côté, si on fait le calcul - ça vaut ce que ça vaut - on doit constater que l’ensemble des voix de droite ne comprenant que la moitié des voix de M. Bayrou, ça fait à peu près 48% pour 42% des voix de gauche. Ce qui laisserait supposer que la France est quand même à droite encore. Je ne sais pas comment cela se traduira au deuxième tour et quelle sera la répartition dans les deux camps. Dans tous les cas, on peut dire que la France est encore à droite.

RFI : Monsieur Marsaud, le MoDem est un des arbitres du second tour avec 9,13% des voix. Vous attendez beaucoup de la prise de position de François Bayrou dans les jours qui viennent ?

Alain Marsaud : Non, je n’attends pas beaucoup de la prise de position de M. Bayrou qui a dit qu’il se déterminerait après le fameux débat. D’ailleurs, on ne sait pas s’il va y avoir un débat, deux débats, trois débats. Monsieur Hollande en veut un, M. Sarkozy en veut trois. Je constate que lorsqu’il s’agissait de choisir le candidat socialiste pour la primaire, on a fait trois débats, mais lorsqu’il s’agit de choisir le président de la République française, M. Hollande estime qu’il y en aurait deux de trop et qu’il n’en faudrait qu’un. François Bayrou pouvait être considéré, il y a quelques semaines, comme un éventuel faiseur de rois. Je pense qu’il ne le sera pas. Mais l’électorat MoDem, l’électorat centriste, se répartira vraisemblablement un petit peu partout de chaque côté et je ne crois pas que ce soit de ce côté-là qu’il faille attendre quelque chose. C’est un électorat centriste, comme son nom l’indique.

RFI : Donc vous attendez plus de l’électorat de Marine Le Pen ?

Alain Marsaud : Non. Je veux dire par là qu’on assiste véritablement à ce que j’appellerais une bipolarisation de la vie politique en France. Contrairement à ce que l’on disait, on pensait qu’il y avait une place pour les centristes et, au fond, on peut le regretter. C’est un véritable rapport gauche-droite qui est en train de se mettre en place, avec des extrêmes de chaque côté.

Jean-Daniel Chaoui : On ne peut pas parler de telle ou telle prise de position. Globalement, la position de François Hollande est très claire : il veut rassembler sur son nom. Nicolas Sarkozy rassemblera sur son nom, au-delà de ce que diront tel ou tel dirigeant, et puis les Français décideront. Je leur fais confiance. Ils suivront leur envie. Et leur envie, c’est qu’on ait un nouveau président. Je le crois.

RFI : Vous n’êtes pas des candidats comme les autres puisque vous briguez les suffrages des quelque 1,1 million Français qui sont inscrits à l’étranger. Jean-Daniel Chaoui, on dit souvent que les Français de l’étranger sont plus à droite que les Français de métropole. Et, de fait, un récent sondage OpinionWay montre que 51% d’entre eux voteraient Nicolas Sarkozy au second tour. Est-ce que ce n’est pas un handicap pour vous, pour cette campagne dans la dixième circonscription de l’étranger ?

Jean-Daniel Chaoui : On dit beaucoup de choses. On dit aussi que la France est à droite et on aura peut-être un président de gauche, tout au moins je l’espère. Effectivement, on vient d’une situation compliquée pour la gauche à l’étranger. Ceci dit, l’observation montre aussi que la situation se rapproche énormément entre la France et l’étranger. Et que le différentiel qu’il y avait entre la droite et la gauche, au cours des dernières années, tend à s’amenuiser progressivement . On arrivera peut-être à le renverser et peut-être à l’occasion de ces élections. Je suis assez confiant. Dans la dixième circonscription, c’est vrai qu’il y a des aires culturelles très différentes, des endroits où on est plus à gauche, des endroits où l’on est plus à droite. Je ne pense pas que la droite ou la gauche puisse se dire qu’elle a un avantage absolument certain dans cette élection qui va avoir lieu pour les législatives.

RFI : Alain Marsaud, vous comptez sur la tradition de droite des Français de l’étranger. Mais est-ce que, si François Hollande gagne le 6 mai prochain, vous ne risquez pas d’être battu par une vague de gauche ?*

Alain Marsaud : Bien sûr que si François Hollande devait gagner dans quinze jours, cela aurait forcément des conséquences sur le résultat des élections législatives. Enfin, théoriquement. D’un autre côté, peut-être qu’on pourrait considérer que nos compatriotes, y compris nos compatriotes vivant à l’étranger, n'ont pas très envie de confier la totalité des clés de la maison France à François Hollande. Ils estimeront peut-être que le fait de l’avoir élu suffit à son bonheur parce qu’ils se seront débarrassés de Nicolas Sarkozy, mais qu’ils ne voudront sans doute pas lui confier les responsabilités de diriger la France. Donc, on pourrait avoir effectivement, dans ce cas-là, une forme de cohabitation, ce que je pourrais souhaiter en ce qui me concerne. Mais dire que les Français de l’étranger sont plus à droite que les Français de France, je ne suis pas certain. Disons que le front entrepreneurial, de celles et ceux qui travaillent en entreprise, est peut-être un front plus engagé, plus engagé au centre à droite, mais cela n’est pas très flagrant en fait. Je crois que cela se fera sur la qualité des candidats et le meilleur gagnera.

RFI : Alain Marsaud, le fait que votre adversaire socialiste Jean-Daniel Chaoui habite Madagascar, c’est-à-dire sur le sol de la dixième circonscription, n’est pas un atout pour lui par rapport à vous qui, je crois, habitez en France métropolitaine ?

Alain Marsaud : J’espère que M. Chaoui nous expliquera comment il veut faire son métier de député si toutefois le sort des urnes devait lui être favorable. Vous savez qu’il y a une obligation d’être le mardi, le mercredi et le jeudi à Paris à l’Assemblée nationale. Tout simplement parce que ça s’appelle faire un travail de député : voter la loi et contrôler le gouvernement, participer aux commissions. Si vous n’y êtes pas, vous n’êtes pas payé donc vous avez obligatoirement une présence durant cette semaine. Le reste du temps doit être consacré effectivement à aller visiter les concitoyens dans les différents pays. Et il y a quelque chose qui est essentiel, c’est tout simplement le vol de Roissy qui permet depuis Paris, et de Paris seulement, d’aller visiter l’ensemble des 49 pays du Moyen-Orient, de l’océanI Indien et de l’Afrique. J’ai cru comprendre d’ailleurs que M. Chaoui s’était engagé, s’il était élu, à aller habiter aussi à Paris. Donc dans ces conditions, nous nous retrouverons tous à Paris. Quel que soit le candidat qui sera élu, il sera obligé de quitter son pays d’origine pour habiter entre l’Assemblée nationale et l’aéroport de Roissy.

RFI : Une conclusion des deux côtés ?

Jean-Daniel Chaoui : Je voudrais reprendre l’argument de M. Marsaud qui disait qu'il ne faut pas donner tout à tout le monde. Les Français de la dixième circonscription, comme dans les autres circonscriptions, auront à cœur de donner une majorité au nouveau président qu’ils ont élu, ça me paraît être cohérent. Donc je l’invite à le faire. Et par rapport à la situation du candidat, bien entendu, un candidat ne peut pas être à l’Assemblée nationale et résider à 10 000 kilomètres, même s’il reste lié à son origine. Mais il y a quand même une question de légitimité. Moi je conteste un petit peu à Monsieur Marsaud, non pas le droit de se présenter, mais sa légitimité. Je pense qu’il a plus de légitimité en Haute-Vienne qu’à Madagascar ou dans la dixième circonscription. Maintenant, chacun prend ses décisions et ce sont les électeurs en définitive qui jugeront et trancheront.

Alain Marsaud : Je remercie M. Chaoui pour son ostracisme qui m’estime sans doute indigne de représenter les Français de l’étranger. C’est peut-être, d’une certaine manière, faire une insulte à mon intelligence. Je pense être à même de comprendre aussi bien que n’importe lequel d’entre eux les problèmes des Français de l’étranger qui d’ailleurs sont tellement différents d’un pays à un autre. Je crois effectivement que la vision que l’on peut avoir d’une manière globale, notamment aussi en habitant en métropole, permettra, je l’espère, si je suis élu, d’avoir un engagement total au profit de mes compatriotes de l’étranger. C’est ce que à quoi je m’engage aujourd’hui.

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